Par La Mutuelle des Étudiants

Cette Inspir’action fait partie du Dossier ressources « Santé mentale et isolement social » : à télécharger ici

Contexte de l’action

A la rentrée 2015-2016, 2,5 millions d’étudiants sont inscrits dans l’enseignement supérieur en France métropolitaine et dans les DOM. Si de nombreuses enquêtes sanitaires et sociales portent sur les adolescents ou les jeunes en général, rares sont les données sur les comportements de santé, d’accès et de recours aux soins des étudiants. Ainsi, afin de mieux connaître les besoins de la population étudiante qu’elle couvre, LMDE réalise, depuis 2005, des enquêtes périodiques répétées tous les 3 ans : les Enquêtes Nationales sur la Santé des Etudiants (ENSE). Ces enquêtes ont pour but d’identifier, de comprendre et de suivre les comportements et les besoins spécifiques des étudiants en matière de santé, notamment sur les thématiques de l’accès aux soins, du bien-être, des consommations de tabac, d’alcool ou de cannabis, et également de vie affective et sexuelle. Ces enquêtes constituent un outil d’aide à la décision : elles permettent une meilleure compréhension du public estudiantin en matière de santé, et de définir plus finement les prestations de complémentaires santé et d’orienter la politique de prévention. Les ENSE ont vocation à proposer aux pouvoirs publics des recommandations en matière de santé publique qui s’appuient sur les données recueillies, à lancer les débats, faire agir et réagir.

Quelques données issues des ENSE :

  • La 4ème enquête nationale sur la santé des étudiants révèle que 35% des étudiants déclarent avoir renoncé à une consultation médicale au cours des douze derniers mois, 27 % pour des raisons financières.
  • Avec l’avancée en âge, la perception d’une très bonne santé par les jeunes se dégrade : 59,5 % des 15-19 ans perçoivent ainsi leur santé comme excellente ou très bonne, contre 45,2 % des 20-25 ans et 38,4 % des 26-30 ans.
  • Près de quatre étudiants sur dix (37 %) seraient en état de mal-être, les jeunes femmes étant en proportion deux fois plus nombreuses (46 %) que les jeunes hommes (25 %) à présenter des symptômes anxieux.
  • Concernant le recours aux professionnels pour raisons de santé mentale, celui-ci varie suivant les états anxieux ou dépressifs des patients. Au cours des douze derniers mois, près d’un étudiant sur deux ayant déclaré une « période de tristesse, de déprime ou d’anhédonie, pendant au moins quinze jours, pratiquement tous les jours et toute la journée » a eu recours à un professionnel de santé pour ses problèmes.
  • Par ailleurs, l’isolement des jeunes est souvent couplé à un sentiment d’être mal informé sur sa santé et une vulnérabilité financière qui accroissent la logique de cumul des inégalités sociales de santé.

 

En 2016, le rapport de la mission « Bien-être et santé des jeunes » de Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie, et Jean-Louis Brison, inspecteur d’académie, a établi que le mal-être, la souffrance psychologique, l’anxiété et la solitude sont observés chez plus de 10 % des étudiants. Une proportion similaire connait un épisode dépressif caractérisé entre 16 et 25 ans (elle est plus élevée chez les jeunes femmes). Selon ce rapport, ces moments de fragilité peuvent retentir sur les parcours de vie et conduire à la rupture des liens de confiance envers l’entourage ou l’institution scolaire, à des attitudes de retrait, au rejet des camarades, à l’enfermement dans des spirales d’échec et d’exclusion, à l’adoption de conduites à risques et aux addictions. Ils peuvent aller jusqu’au suicide, qui constitue la seconde cause de décès dans cette population.

Ce rapport a conduit à l’adoption du plan national « Bien-être et santé des jeunes », en novembre 2016.

Fiche-identité de l’action

Porteur du projet : LMDE – La Mutuelle des étudiants – est une mutuelle santé complémentaire ; elle a une délégation de service public pour la gestion de la sécurité sociale étudiante

Statut du projet : en cours de mise en œuvre depuis 2017

Échelle : 6 résidences universitaires à Paris ; 2 à Lille (soit environ 1 000 étudiants)

Thématiques traitées : isolement des étudiants vivant en résidences universitaires

Public visé : étudiants vivant en résidences universitaires

Partenaires opérationnels :

  • Centre René Capitant : participation à la formation, à la supervision, à la coordination, au comité de pilotage et au travail d’évaluation ;
  • Service social du CROUS : participation à la formation et au comité de pilotage. Mise en place d’un circuit pour faire du lien et pour la circulation des informations : une personne référente a été désignée au sein du service social ;
  • APASO (association pour la prévention, l’accueil, le soutien et l’orientation) : participation à la formation et si possible à la supervision, participation au comité de pilotage ;
  • Fondation Santé des Etudiants de France : participation au comité de pilotage, les relais santé pourront parler de cette structure aux étudiants visités. Un référent doit être nommé pour faciliter le circuit d’informations ;
  • MILDECA : signature d’une convention de partenariat en 2017 ;
  • CPAM de Paris : signature d’une convention de partenariat en 2017 ;
  • SIUMPPS (services interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé) : selon leurs disponibilités, participation à la formation et au comité de pilotage, prise en charge de la formation aux premiers secours (PSC1). Un référent de la structure a été désigné comme référent ;
  • Directrice du BAPU Luxembourg (bureau d’aide psychologique universitaire) : participation au comité de pilotage ;
  • Médecin psychiatre du Département de Psychiatrie de l’Adolescent et du Jeune Adulte I.M.M (Institut mutualiste Montsouris) : participation à la formation et au comité de pilotage ;
  • Partenaires de la formation des relais santé : ANPAA, CRIPS, Programme santé nutrition (Ville de Paris), IMM, SIUMPPS Sorbonne Universités, Fondation Santé des Etudiants de France

Partenaires financiers : pour Paris, ville de Paris (direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé – DASES et Direction de la vie étudiante – DAE) et Centre René Capitant ; pour Lille, métropole européenne de Lille

Moyens affectés :

  • Matériel : 20 000€
  • Location de salle : 1 000€
  • Rémunération intervenants formation : 4 000€
  • Rémunération des 6 relais santé (sorties, formation, supervision) : 30 950€
  • Rémunération des personnels LMDE (chargé de prévention, chargé de projet) : 6 000€
Objectifs de l’action

> Informer les étudiants sur le système de santé, le parcours de soins, l’accès aux droits afin de favoriser l’adoption de comportements favorables à leur santé et à leur bien-être mental et social

> Rompre l’isolement des étudiants vivant en résidence universitaire du CROUS en créant du lien au sein de la résidence, mais aussi entre les étudiants et les institutions (CROUS, ville de Paris, établissements de santé, etc.)

Description de l’action

LMDE propose des démarches innovantes et spécifiques pour les étudiants de 16 à 30 ans, portées par des pairs formés aux problématiques de santé et à la méthode de l’aller-vers, et dans une approche pédagogique, non-jugeante et non moralisatrice. L’approche éducationnelle par les pairs fait appel à des personnes du même âge, de même contexte social, fonction, éducation ou expérience pour donner de l’information et pour mettre en avant des types de comportements et de valeurs. Les jeunes pairs impliqués dans la prévention sont formés afin d’acquérir les compétences nécessaires à la diffusion d’information dans un langage simple et adapté aux préoccupations et demandes des jeunes rencontrés.

 

Depuis janvier 2017, cette méthode est expérimentée auprès des étudiants dans six résidences universitaires parisiennes et, depuis novembre 2018, deux lilloises. Les résidences sont choisies par le CROUS selon les besoins, notamment en tenant compte du nombre d’étudiants étrangers, plus susceptibles d’être isolés. Des relais santé salariés par la LMDE, préalablement formés aux sujets de prévention (vie affective et sexuelle, addiction, bien-être, nutrition, sommeil, gestion du stress, etc.) et à la méthode de l’aller vers, organisent des porte-à-porte en soirée. Quatre temps thématiques sont abordés lors de ces porte-à-porte :

  • un point avec les étudiants sur leurs parcours de soins coordonnés ;
  • discussion autour de l’isolement et du mal-être des étudiants ;
  • gestion du stress pendant la période des examens (prévention sur les risques de la consommation de produits psychoactifs ou de certains médicaments anti-fatigue notamment, conseils sur les bons réflexes en terme de nutrition, de sport, de sommeil, etc.) ;
  • organisation de temps collectifs au sein des lieux de vie des résidences universitaires en partenariat avec les tuteurs des résidences (par exemple, des ateliers sur la nutrition avec le Programme Santé Nutrition de la ville de Paris).

 

Lors des passages, un tote bag est distribué : il sert de « prétexte » de discussion et donne l’opportunité de créer du lien. Le tote bag contient :

  • un dépliant de la CPAM de Paris sur le bilan de santé personnalisé ;
  • un mémo santé plastifié avec au recto le parcours « Ma santé bien remboursée » et au verso la liste des structures de santé utiles (centres de santé municipaux, médecine universitaires, urgences, etc.) ;
  • un marque page avec deux recettes de cuisine bien-être ;
  • un quiz sur le bien-être ;
  • un guide sur le bien-être étudiant avec des conseils sur la nutrition, le sommeil, la gestion du stress, l’activité physique, la mémoire ;
  • un set de coloriage déstressant ;
  • un préservatif externe ;
  • un carré de chocolat.

 

Les passages ont lieu plusieurs soirées par semaine, de 19h à 22h. Puis 30 minutes sont consacrées au bilan de la soirée et notamment à la synthèse des fiches d’entretien remplies à chaque échange.

Le circuit d’information est fluidifié par le partenariat : si l’étudiant est en situation de mal-être, les relais santé peuvent l’orienter vers les structures compétentes. Le plus souvent, les difficultés rencontrées sont liées au logement lui-même (nuisances, fuites, …) : les relais santé peuvent alors faire remonter l’information auprès de la LMDE qui se rapprochera du service social du CROUS afin de régler la situation.

 

Tous les mois, pendant 3h, les relais santé débriefent, lors d’une réunion de supervision, avec le directeur médical au Centre René Capitant sur leur ressenti, leurs expériences, leurs difficultés, etc. Le but étant de leur permettre d’être accompagnés, soutenus, suivis et d’instaurer régulièrement des temps d’analyse de pratiques et de leur rappeler qu’ils ne sont pas responsables des actes des étudiants visités.

Résultats de l’action

Lors de la 1ère session d’expérimentation de 2017, les étudiants relais santé ont toqué à 1 922 portes en résidence universitaire : 1 255 portes sont restées fermées, et 667 portes se sont ouvertes, donnant lieu à 529 entretiens. Ainsi, plus d’une porte sur trois (35 %) s’ouvre permettant un échange, parmi lesquels 79 % donnent lieu à un entretien avec l’étudiant (en majorité des femmes à 60 %). Les motifs de refus lorsque l’étudiant ouvre sa porte sont majoritairement liés à la non-disponibilité de l’étudiant sollicité (au téléphone, mange, a des invités, etc.). Le refus de participer pour des raisons de non-intéressement du dispositif est faiblement cité.

En revanche, parmi les portes restant fermées, il apparait que des étudiants sont présents mais soit n’ouvrent pas leur porte (sont-ils méfiants ? sont-ils occupés ?), soit n’entendent pas le relais santé toquer (écoute de musique forte).

 

Lors des échanges, toutes les thématiques sont abordées : l’objectif d’informer sur le système de santé, l’offre de soins et l’accès aux droits est rempli. Cependant, il reste difficile d’évaluer si les informations délivrées donnent lieu à des actions particulières ou des changements de comportements.

 

Les relais santé ont un rôle de relais, voire de médiateur entre le CROUS (un tuteur, pas toujours identifié, est présent sur chaque résidence : il est le référent CROUS et anime la vie de la résidence) et les résidents, entre les structures médicales et les résidents, mais aussi entre les résidents eux-mêmes. Ils ont été des facilitateurs et créateurs de liens.

 

Cette expérimentation a également fait ressortir l’importance du cadre de vie que ce soit dans le logement, mais aussi dans l’environnement proche des étudiants. Une difficulté dans le logement ou un quartier peu sécurisé ont un fort impact sur l’état de bien-être de l’étudiant et peuvent participer à accentuer son sentiment d’isolement.

Perspectives

Le projet se poursuit sur l’année 2017/2018. Après Paris et Lille, le dispositif espère se déployer dans d’autres villes de France : Nantes, Rennes, Marseille, Limoges, La Rochelle. Les résidences où les étudiants relais santé interviennent sont amenées à changer d’une année sur l’autre, selon les besoins perçus par le CROUS et le budget alloué. Les financeurs envisagés sont les villes, les ARS, la Mildeca et la Fondation de France.

Le projet a vu émerger la problématique de l’impact de l’environnement (sécurité, ambiance de la résidence, confort du logement, …) sur le bien-être des étudiants. Les COPIL sont l’occasion de travailler sur les pistes d’action avec les partenaires présents, notamment le CROUS.

Conseils pour reproduire ce projet

> Ce travail de prévention par les pairs applique une méthode d’aller vers : il s’agit d’instaurer un dialogue et une relation de confiance afin de pouvoir orienter vers les structures adaptées. Cette relation s’appuie sur des valeurs : anonymat, gratuité, non-jugement, non culpabilisation, ainsi que sur une interactivité permanente et une approche positive.

> Pour réussir un tel projet, il est indispensable de s’entourer de partenaires du domaine médical (psychiatre, psychologue), afin de compléter les compétences en matière de santé mentale des étudiants pour la formation et la supervision.

> Le réseau de partenaires est indispensable également pour mettre en place un circuit d’informations autour de l’étudiant : CROUS, médecine préventive universitaire, association de psychologues, établissements de santé, LMDE, ville de Paris, etc.

Repères sur le territoire

Territoire : les 6 résidences parisiennes impliquées pendant l’année scolaire 2017-2018 sont situées dans les 13e, 15e, 18e et 19e arrondissements ; et 2 résidences sont concernées à Lille.

Démarche territoriale de santé : Ce projet est intégré dans la politique municipale de prévention de la santé des jeunes et le programme Paris Santé Nutrition de Paris. La LMDE est partenaire de la DASES, mais n’a pas de contact direct avec les ASV parisiens.

Aller plus loin

> Plan d’action en faveur du bien-être et de la santé des jeunes (2016)

> Rapport Moro Brison, « Mission Bien-être et santé des jeunes », 2016

État des lieux sur l’accès des étudiants aux soins psychiatriques et psychologiques en Île-de-France – rapport de la mission effectuée à la demande de l’ARS Ile-de-France par le Dr Jean-Christophe Maccotta et le Pr Maurice Corcos (2017)

> La Santé en action, dossier « Les jeunes et l’éducation pour la santé par les pairs » (2012)

Contact référent

Lamia El Aaraje

Directrice Santé Prévention

La Mutuelle des étudiants

lelaaraje@lmde.com

 

Complété le 24.04.2018

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