Face au non-recours aux droits et aux soins des publics précarisés, l’Atelier santé ville de Saint-Nazaire a développé des partenariats et une programmation d’actions pour toucher largement les habitants. Trois Forums Santé Bien-être ont eu lieu sur trois sites différents, avec des animations adaptées à chacun des territoires. 

> PROBLÉMATIQUE : comment informer les populations les plus vulnérables sur leurs droits de santé et améliorer le taux de recours à la CMU ?

[Mots-clés : accès aux droits et aux soins ; diagnostic partagé ; partenariat et réseau ; Pays de la Loire ; public précaire]

[Axe stratégique de la Charte d’Ottawa visé : Développer les aptitudes individuelles]

 

Présentation de l’ASV

Structure porteuse de l’ASV : Commune de Saint-Nazaire (Direction de l’action sociale et des personnes âgées)

Co-financements de l’ASV : DDCS, ville

Ressources humaines : 1,5 ETP

Coordonnatrice ASV actuelle en poste depuis : 2011

Historique et contexte : Comptant 67 000 habitants, Saint-Nazaire est une ville portuaire, marquée par les stigmates de la Seconde Guerre mondiale. C’est l’une des villes françaises où les écarts de richesse sont les moins importants. La ville comptait 9 quartiers prioritaires, soit environ 25 000 habitants, avant 2014 (elle en compte 3, avec 8 000 habitants suite à la réforme de la géographie prioritaire).

L’Atelier santé ville, créé en 2007, a été rattaché au sein du service Prévention de la délinquance de la ville. Depuis 2011, il est intégré au CCAS, dans la Direction de l’action sociale et des personnes âgées, et est coordonné par une chargée de mission et un poste à mi-temps de secrétariat. Il veille à agir en priorité sur les quartiers de la politique de la ville, mais élargit si nécessaire ses actions à l’échelle de la ville suite aux constats de poches de précarité hors des périmètres administratifs.

Intégration dans la politique de la ville : Le contrat de ville de l’agglomération nazairienne 2015-2020 reconnaît le rôle de l’ASV de Saint-Nazaire comme pilote du volet santé de la politique de la ville, en cohérence avec les axes prioritaires du CLS.

Autres dispositifs locaux en santé publique : Un Contrat local de santé a été signé en octobre 2015. Il s’organise autour de trois axes : améliorer l’accès aux droits et à la santé, développer la prévention et promouvoir une santé durable, renforcer les ressources des acteurs du territoire. L’ASV est en charge de sa coordination.

 

Éléments-cadre du projet présenté

Échelle d’intervention du projet : ville

Partenaires du projet : CPAM Loire Atlantique, CARSAT Pays de la Loire, Conseil départemental de Loire Atlantique, centre d’examen de santé de Loire Atlantique, Secours Populaire français, Restaurants du Cœur, maisons de quartier, centre information jeunesse (CIJ), associations locales

Public cible : habitants des quartiers prioritaires, dont personnes précarisées n’ayant pas recours aux soins ou y renonçant

Durée du projet : programmation sur 2 ans (2012-2013)

Co-financements du projet : CUCS (appel à projets 2012)

 

Histoire du projet

Une interpellation des professionnels sur le non-recours et le renoncement aux soins

En 2011, le comité technique de l’ASV, réunissant une vingtaine de partenaires (dont le centre hospitalier, le Conseil général, l’Éducation nationale, des associations, le CCAS, le service social de la CARSAT, …), a fait le constat d’un taux important de non-recours aux soins ou de renoncement aux soins. Ces partenaires ont établi un lien entre le non-recours aux soins et l’accès aux droits : dans leur pratique, ils ont pu constater des problèmes de santé sur un public qui ne consulte pas des professionnels de santé, parce que les frais sont trop importants et/ou parce que leurs droits ne sont pas ouverts. Par exemple, alors que le centre d’examen de santé de la CPAM de Loire Atlantique est situé à Saint-Nazaire, celui-ci accueille proportionnellement plus de personnes extérieures à la ville.  Le centre d’examen de santé, à partir de données sur la provenance et le profil des patients demandant un bilan de santé (grâce aux questionnaires EPICES), a montré que plus les personnes étaient dans des situations de vulnérabilité, plus la démarche pour accéder aux soins était difficile.

Ces constats ont été affinés en 2012 au sein d’un groupe de travail composé d’acteurs institutionnels. De ce groupe, a émergé le projet de programmer des « forums santé bien-être itinérants ».

En 2013, l’Observatoire régional de la santé (ORS) de Loire-Atlantique a réalisé un diagnostic sur la base d’indicateurs quantitatifs sur l’état de santé des Nazairiens, qui a conforté le retour d’expérience des professionnels sur les difficultés d’accès aux droits et aux soins.

Des Forums santé bien-être itinérants pour favoriser l’accès aux droits et aux soins

Les publics visés sont invisibles pour un certain nombre de structures (droits non-ouverts, non-recours aux soins). Cela a orienté le choix de proposer des forums sur des sites non institutionnels (d’autant que des acteurs comme la CPAM ou la CARSAT constataient qu’une partie du public précaire « a du mal à franchir les portes de la Sécurité sociale au départ. Le premier pas est difficile », comme le souligne une assistante sociale au service social de la CARSAT des Pays-de-la-Loire).

Objectifs généraux du projet : 

  • Favoriser l’accès aux droits et aux soins, notamment sur le volet de l’aide à la  complémentaire, à la nécessité d’une mutuelle, au bilan de santé, aux dépistages et à la possibilité de consulter ;
  • Mieux connaître ses droits et le circuit pour se soigner ;
  • Accompagner vers une démarche de prévention primaire et secondaire ;
  • Sensibiliser à l’éducation nutritionnelle, à la pratique d’une activité physique et/ou sportive.

Objectifs opérationnels du projet : 

  • Identifier ses droits par l’information et les conseils transmis par la présence d’acteurs ressources et de supports d’informations adaptés ;
  • Mieux connaître l’intérêt et la nécessité d’un bilan de santé et en faciliter l’accès ;
  • Proposer une prise de rendez-vous facilitée pour un bilan de santé au centre d’examen santé ;
  • Créer une ambiance conviviale avec des temps de rencontres (festif, ludique…) et des collations qui s’adaptent aux caractéristiques du site investi ;
  • Envisager un accompagnement dans la reprise d’une démarche de droit commun si besoin.

Le 1er forum santé a eu lieu en octobre 2012, sur une journée. Il était localisé dans les locaux de distribution alimentaire du Secours populaire. Ce site, hors d’un quartier prioritaire, a été choisi car une permanence sociale du CCAS était implantée de façon expérimentale et faisait le retour d’une grande précarité et de besoins en matière d’accès aux droits. Il a permis de capter un public très précarisé. Le forum était un espace d’information sur les droits CMU, mutuelle… et de prise de contact avec les institutions. 71% des 162 personnes ayant demandé des informations sur les stands vivaient dans les quartiers prioritaires. En amont du forum, une douzaine de bénévoles volontaires des associations caritatives, dont le Secours populaire, ont été formés par la CPAM et la CARSAT sur l’accès aux droits et aux soins, afin qu’ils soient en capacité d’informer et d’orienter au mieux les publics venant à la distribution alimentaire. Quelques mois voire quelques années plus tard, le service social de la CARSAT reçoit toujours des personnes orientées par le Secours Populaire.

Un 2e forum a eu lieu dans les quartiers Ouest, en mai 2013. Sur une place nouvellement inaugurée, des animations ont été proposées : atelier culinaire, bar à tisanes (animé par un club jeunes), jeux d’animation comme la roue de la santé. Un animateur de la maison de quartier, préalablement formé à cette méthode, a fait office de « porteur de parole » et ainsi recueilli les paroles des habitants à la question « pour vous, c’est quoi la santé ? ». À partir de cette animation, une compagnie de théâtre a improvisé des saynètes.

Enfin, un 3e forum a eu lieu dans les quartiers Nord, en octobre 2013. La porte d’entrée a été le sport et le bien-être, avec des ateliers d’initiation au chi gong et au basket. Étaient également proposés une tente « beauté mobile », un stand de promotion des fruits et légumes animés par des jeunes du quartier ainsi qu’un atelier arts du cirque.

Des enseignements sur les liens entre impacts du forum et configuration territoriale

Les 3 forums ont eu lieu sur des sites relativement différents afin d’expérimenter plusieurs possibilités (les sites avaient été choisis et priorisés par le groupe de travail). Un bilan a été réalisé avec l’ensemble des partenaires fin 2013.

Le site de distribution alimentaire s’est révélé pertinent par rapport au CUCS (appel à projets) au regard de la provenance géographique du public (71% des personnes ayant fréquenté les stands d’information vivait dans un quartier de la politique de la ville). Cet espace a permis de toucher des personnes en grande fragilité et les animations sont parvenues à capter le public (près de 90% des personnes présentes pour la distribution alimentaire ont demandé des informations sur l’accès aux droits et à la santé).

Les 2 autres forums étaient installés dans les quartiers prioritaires. Du fait d’une configuration en îlots éclatés et peu liés, le forum des quartiers Nord a capté les habitants vivant à proximité du site, en particulier des enfants ; alors que celui des quartiers Ouest a attiré des habitants des différents îlots, grâce à une ligne de bus rapide et un intérêt suite à la récente inauguration de la place. Il a été noté que la diversité des stands a facilité l’émergence de questions concrètes et plus diverses que l’ouverture des droits, et ainsi permis de recueillir les besoins des habitants.

Le groupe de travail a jugé que les objectifs initiaux ont été remplis par la programmation et que la démarche d’« aller vers » les habitants était efficiente pour diffuser une information sur l’accès aux droits et aux soins. Par exemple, la CARSAT, dont l’une des missions est d’aller vers les publics les plus vulnérables, a pu rencontrer des acteurs nouveaux (maisons de quartier, associations, office municipal de la jeunesse) et développer des relations et des projets communs.

 

Résultats

  • 46 acteurs mobilisés sur les forums, dont 11 bénévoles et 10 intervenants.
  • Formation d’une douzaine de bénévoles des associations caritatives sur l’accès aux droits et aux soins, animée par la CPAM et la CARSAT sur une demi-journée.
  • Fréquentation du public : 249 personnes (forum 1 : 162 dont 71% des quartiers CUCS / forum 2 : 60 / forum 3 : 57).
  • Public ayant demandé des informations sur l’accès aux droits : 209 personnes (soit 84% du public).
  • Un accompagnement vers le droit commun qui se met en place difficilement, par de petites actions. 
  • Des données sur le profil des patients collectées par le centre d’examen de santé qui ne sont pas partagées avec l’ASV. 

 

Perspectives

  • De nouvelles actions montées par les partenaires ayant participé aux forums (réunions d’informations au CCAS, formations de professionnels par la CPAM), l’ASV assurant une cohérence et veillant à la poursuite d’un travail collectif. 
  • Le projet de renouveler la formation auprès des bénévoles des associations caritatives sur l’accès aux droits.
  • Une dynamique partenariale fragilisée par des réorganisations de missions, de postes, ou de non-remplacement dans certaines structures. 
  • Un projet en attente faute de financement : création d’un collectif bien-être porté par des associations (objectif d’un travail micro-local en bas des immeubles : repérage d’habitants relais et ressources sur les questions de santé).

 

Bonnes pratiques

  • Une stratégie d’« aller vers » pour apporter des informations sur l’accès aux soins : public captif du site de distribution alimentaire ou lors d’évènements conviviaux (l’information n’est pas apportée dans un lieu institutionnel, ce qui permet de « démystifier » la dimension administrative de la sécurité sociale).
  • Une formation des acteurs sociaux les plus proches des publics les plus vulnérables (par exemple, les bénévoles de la distribution alimentaire).
  • Une prise en compte de la configuration territoriale pour l’implantation d’un événement de type forum : un lieu « névralgique » et facilement accessible permet une meilleure mobilisation.

 

Paroles d’acteurs

«  L’Atelier santé ville est une démarche permettant des expérimentations qui peuvent apporter une plus-value sur le territoire par sa capacité de fédérer les partenariats et en mobilisant les ressources pour apporter des réponses en matière de réduction des inégalités sociales en matière de santé. Les forums santé en sont un bon exemple. » Pascale Clément, élue adjointe à la prévention et promotion de la santé à la ville de Saint-Nazaire

« Le rôle de la coordonnatrice ASV est primordial dans ce type de projet, pour réunir tous les acteurs partenaires, organiser et coordonner l’ensemble. Cette expérience a été très enrichissante. La formation des bénévoles sur l’accès aux droits a été très importante : ces personnes deviennent nos relais et une ressource pour aider notre institution à aller vers les publics les plus vulnérables. » Catherine Deshayes et Lydie Bidan, assistantes sociales au service social de la CARSAT des Pays-de-la-Loire

 

Ressources méthodologiques

Technique d’animation mobilisée lors d’un forum : la méthodologie du porteur de paroles (pour en savoir plus, voir par exemple un guide publié par la SCOP Le Pavé)

 

Contact

Catherine MARCHAND, chargée de mission santé ville, CCAS de Saint-Nazaire, marchandc[at]mairie-saintnazaire.fr, 02.40.17.19.88

 

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