Fiche-identité de l’action

Porteur du projet : Centre hospitalier universitaire de Toulouse

Statut du projet : En cours

Échelle : Toulouse métropole

Thématiques traitées : « Santé-précarité », maladies chroniques, lutte contre les inégalités sociales de santé, médiation santé, coordination parcours complexes, genre et santé, lien ville-hôpital, accompagnement vers la médecine de ville.

Public visé : Femmes et hommes adultes, jeunes majeur·es, avec ou sans enfants. Les femmes rencontrées en consultations avancées sont en situation de précarité et présentent parfois une grande vulnérabilité :

  • Primo-arrivantes ou migrantes ;
  • Hébergées en centre d’hébergement d’urgence (CHU), ou centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ;
  • Vivant en squats et bidonville ;
  • À la rue ;
  • Hébergées de façon temporaire chez un tiers.

Partenaires opérationnels :

Le pilotage du projet restera en lien étroit avec :

  • Les groupes de travail partenariaux ;
  • Les groupes de travail organisés par l’ARS ;
  • Le CHU au travers des services de médecine sociale et santé sexuelle et autres services (dont les urgences et les post-urgences médicales) mais aussi l’ensemble des assistantes sociales du CHU ;
  • Les structures de soins primaires du territoire : maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ;
  • La Plateforme santé-précarité ;

Il s’intègrera à l’organisation territoriale par une collaboration avec le dispositif d’appui à la coordination (DAC 31).

Partenaires financiers : ARS Occitanie

Contexte et problématiques

Présentation de la démarche e.CARE

Le dispositif e.CARE est intégrée au service de médecine sociale et santé sexuelle du CHU de Toulouse depuis 2020. Ce service regroupe également le centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), la permanence d’accès aux soins de santé (PASS), une équipe mobile sociale et de santé (EMSS) et les 16 lits Halte soins santé (LHSS). Le dispositif e.CARE mobilise une infirmière, deux médecins, et une coordinatrice du dispositif.

Émergence du dispositif : éviter la rupture du parcours de soins pour les populations vulnérables atteintes de maladie chroniques

Le projet e.CARE est né de plusieurs constats. Malgré les efforts des pouvoirs publics et des acteur·trices de terrain, de nombreuses barrières persistent, empêchant les populations vulnérables de bénéficier d’un suivi médical et d’un accompagnement global adaptés à leurs besoins. Plusieurs facteurs rendent particulièrement complexe leur accès aux soins : la barrière linguistique, la barrière financière, la méconnaissance du système de santé, les difficultés administratives (assurance maladie), l’isolement social, les troubles psychiques, l’accessibilité limitée à la médecine de ville, des problèmes de mobilité, le sentiment d’être discriminé·e, l’illectronisme, la faible littératie en santé, le manque d’ancrage territorial et les difficultés d’accès à un hébergement.

En outre, du côté de la médecine de ville, les professionnel·les évoquent de nombreux freins à accueillir de manière qualitative les patient·es en situation de précarité : temps de consultation trop court, problématiques de santé nombreuses, barrière linguistique, parcours de soins éclatés (absence de compte-rendu, pas de résultats d’examens, …), difficultés sociales entremêlées, difficultés d’orientation (méconnaissance des acteur·trices sociaux, maillage associatif, etc.), méconnaissance des problématiques liées à la précarité, leurs représentations et les préjugés.

Enfin, des situations de rupture de parcours de soins et l’absence de continuité entre médecine hospitalière, médecine de ville et accompagnement médico -social et social, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques, sont également signalées.

Une prise en compte des problématiques spécifiques rencontrées par les femmes

Au fil des missions d’e.CARE, les professionnel·les du dispositif ont repéré des problématiques spécifiques concernant la santé des femmes :

  • Le renoncement aux soins ou l’accès aux soins centré sur les problématiques jugées comme prioritaires : santé des enfants, grossesse[1]… ;
  • L’accès limité à la prévention qui explique un risque plus élevé de morbi-mortalité, notamment concernant les infections sexuellement transmissibles (IST), les cancers (notamment cancer du col de l’utérus et du sein) et les pathologies cardio-vasculaires ;
  • Les priorisations administratives et sociales par rapport aux problématiques de santé ;
  • La charge familiale : gestion des enfants et de la vie familiale en général qui passe en priorité et retarde les soins ;
  • La prévalence très élevée des violences physiques, psychologiques et sexuelles dans le passé et le présent, dues à des situations de grande vulnérabilité (femmes à la rue, parcours de migration). Ces situations de vulnérabilité peuvent d’ailleurs réactiver des vécus traumatiques et impacter la santé mentale ;
  • Le parcours administratif de la demande d’asile, qui nécessite la répétition d’un récit de vie parfois traumatique, peut également majorer des symptômes de syndrome de stress post-traumatique très fréquents ;
  • La prise en soin des conséquences psychologiques et physiques de ces violences est souvent très limitée. Cela s’explique par un sentiment de honte éprouvé par les femmes, des idées préconçues sur les soins psychologiques, ainsi qu’une méconnaissance des dispositifs existant pour la prise en soin des mutilations génitales.

« Nous avons identifié ces problématiques chez les femmes rencontrées lors des consultations dans le service de médecine sociale et santé sexuelle au CHU (PASS, CEGGID), lors des accompagnements au parcours de soin e.CARE, lors des consultations avancées e.CARE (dans des lieux d’accueil de jour pour femmes : la Casèla, le Petit Salon). Il s’agit de femmes en situation de précarité, parfois en situation de migration. Cela se retrouve également dans de nombreux travaux de recherche, notamment un travail de thèse réalisée sur Toulouse[2]. »

 

Les femmes rencontrées via le dispositif sont allophones dans un tiers des cas, avec un faible niveau de littératie en santé pour la grande majorité. Quelques femmes rencontrées sont travailleuses du sexe, sans papiers, certaines n’ont pas forcément de lien avec les associations dédiées.

Objectifs

Objectif principal

Réduire les inégalités sociales de santé et lutter contre l’exclusion et le non-recours aux soins en améliorant l’accès aux soins et en facilitant la mise en place de parcours de soins coordonnés et adaptés aux besoins de personnes en situation de précarité.

Objectifs spécifiques

  • Objectif spécifique 1 : Faciliter le repérage des personnes en situation de précarité en s’appuyant sur les urgences du CHU, le service de médecine sociale et santé sexuelle (PASS, PASS mobile, Halte santé et CeGIDD) et sur le maillage territorial existant et en proposant des consultations avancées sur certains lieux repérés (accueil de jour, hôtels sociaux, etc.).
  • Objectif spécifique 2 : Accueillir des personnes en situation de précarité quelle que soit leur situation administrative, proposer des prestations médicales ou paramédicales et coordonner les parcours de soins complexes à partir d’objectifs travaillés avec la personne concernée.
  • Objectif spécifiques 3 : Améliorer le pouvoir d’agir des personnes en situation de précarité sur leur santé en proposant des ateliers de prévention et d’éducation pour la santé adaptés aux besoins. Lutter contre l’illectronisme pour améliorer l’accès à la santé et aux soins et autonomiser les personnes dans leur parcours
  • Objectif spécifique 4:  Communiquer auprès des professionnel·les du social, médico-social, sanitaire et auprès des étudiant·es afin d’être identifié comme un interlocuteur expert des situations complexes en santé-précarité.
  • Objectif spécifique 5: Développer l’annuaire sécurisé de professionnel·les de santé en ville pour multiplier les possibilités de prise en soins en ville (médecins, infirmiers, sage-femmes, kinésithérapeutes, dentistes, psychologues, etc.), former, animer et outiller un réseau de professionnelles.
  • Objectif spécifique 6:  Améliorer l’accès et la qualité des soins de premier et second recours en soutenant les professionnelles de santé (mise à disposition d’outils, d’espace de partage d’expériences, d’interprétariat, de formations …)
Description du projet

Le dispositif se décline en 5 grandes missions :

  • Aller-vers : repérer les publics les plus éloignés du soin (accueil de jour, hôtels sociaux, etc.) ;
  • Coordonner et fluidifier les parcours de soins ville – hôpital (personnes précaires avec pathologies chroniques) ;
  • Développer le pouvoir d’agir des patient·es via les ateliers collectifs en prévention et promotion de la santé;
  • Animer et appuyer le réseau de professionnel·les de santé sur les situations complexes liées à la précarité ;
  • Former et outiller les professionnel·les de santé pour améliorer la qualité des prises en soins des personnes précaires.

Dans le cadre de la mission 1, e.CARE met en place des consultations avancées dans deux lieux d’accueil de jour pour femmes :

  • Le Petit salon, accueil de jour pour femmes seules, de l’association Espoir 31 ;
  • La Casèla, accueil de jour pour femmes et enfants, du Secours catholique-Caritas.

 

En effet, les femmes étant plus invisibilisées, elles présentent un retard de soins supérieur à celui des hommes et des facteurs de vulnérabilité majorés. Il s’avère primordial de développer des actions d’aller vers.

Une évaluation approfondie de l’état de santé des personnes avant leur entrée dans le dispositif

Les Maisons des solidarités et les structures associatives du département orientent les personnes vers le dispositif e.CARE lorsqu’elles repèrent des problématiques de santé. Un premier temps de travail de collaboration entre les infirmières du dispositif et les travailleur·ses sociaux se met alors en place.

 

Il y a ensuite une évaluation médico-sociale d’une durée d’une heure au cours duquel le binôme médecin-infirmière rencontre la personne et évalue son état de santé, ses besoins, son niveau de littératie en santé et son autonomie grâce à l’appui d’une grille « pouvoir d’agir »[3] : « Un élément clef qui nous permet d’identifier l’autonomie de la personne est que la demande d’accompagnement émane de la personne elle-même et non d’un tiers. » (Marie Donius, coordinatrice du dispositif e.CARE)

La mise en place de stratégies de médiation en santé

1) Aller à la rencontre et repérer les personnes en situation de précarité pouvant être accompagnées et particulièrement les femmes. Les infirmières et médecins d’e.CARE exercent en binôme une mission de repérage lors des consultations avancées qui se déroulent « hors les murs », généralement dans des structures accueillant des publics en situation de précarité.

2) Faire avec : aide à la prise de rendez-vous, accompagnement physique aux rendez-vous, aide à la compréhension du système de soins, de la maladie et des traitements.

3) Sensibiliser les professionnel·les de santé à la précarité pour améliorer la prise en soins dans les cabinets de ville.

La coordination du parcours de soin qui s’adapte aux besoins

Une fois cette évaluation effectuée et si la personne est incluse, l’accompagnement peut prendre plusieurs formes et se décliner en plusieurs actions distinctes :

  • La recherche d’un médecin traitant ;
  • La mise en place de l’interprétariat téléphonique si besoin ;
  • La coordination santé/social par la mise en place d’un volet social en collaborant avec des structures et travailleur·es sociaux, salarié·es, bénévoles de structures partenaires. L’accompagnement du dispositif e.CARE se fait en complémentarité avec les démarches qui existent sur le territoire comme les Maisons des solidarités, Olympe de Gouges, la Plateforme santé-précarité, et Grisélidis … ;
  • La prise et le suivi des RDV médicaux ;
  • La mise en lien des intervenant·es et synthèses pluriprofessionnelles ;
  • Le travail avec une référent·e social·e d’une structure partenaire ;
  • Éducation thérapeutique dude la patient·e ;
  • Centraliser les éléments médicaux du parcours de la personne (création de dossiers numériques Spico[4] & Orbis[5], saisie des données au fil de l’eau…).

Globalement, l’accompagnement individuel peut durer quelques semaines à une année. Dans certains cas exceptionnels, l’accompagnement peut durer un peu plus longtemps.

 

La participation des personnes concernées

La participation des usagères constitue un objectif central du projet. Il a ainsi été proposé aux usagères de rejoindre le comité de pilotage du dispositif. Par ailleurs, deux dames accompagnées par le dispositif e.CARE sont désormais membres du comité de pilotage. Un projet est en cours concernant le développement d’une grille d’évaluation de l’autonomie en santé est en cours. Celle-ci se fera via la réalisation de groupes nominaux pour permettre de trouver un consensus entre expert·es. Des personnes ayant été accompagnées par e.CARE feront partie de ces groupes.

Résultats de l’action
  • Un réseau consolidé de professionnel·les de santé : 250 professionnel·les de santé sont intégré·es au réseau e.CARE et bénéficient d’un accès à l’interprétariat. Chaque année, environ 400 demandes d’appui à la coordination sont traitées, concernant des situations complexes à l’interface entre santé et précarité 250 professionnel·les de santé inclus·es dans le réseau et ayant accès à l’interprétariat, 400 demandes d’appui à la coordination sur des situations « santé-précarité » complexes par an.
  • Les partenariats solides avec les structures sociales et travailleur.ses sociaux : CARE s’appuie sur un réseau de 250 professionnel·les de santé et près de 4 000 professionnel·les inscrit·es à l’infolettre santé-précarité construite et étoffée au cours de trois années d’exercice. L’aller-vers avec des présentations directes aux équipes (et non uniquement aux directions) a été un levier pour étoffer le réseau. Il est important de noter que la création de ce réseau a demandé trois ans.
  • Des consultations avancées auprès de 100 femmes, avec, selon les besoins, des orientations vers un médecin traitant si besoin ou vers la PASS ou le CeGIDD.
  • Un accompagnement individualisé avec une trentaine de personnes accompagnées par an dans leur parcours de soin, dont 40 % de femmes.
Leviers
  • Le développement du partenariat avec le Solidaritruck financé par Toulouse métropole et porté par l’association France-Horizon : Le « Solidaritruck» va à la rencontre des personnes hébergées en hôtel social depuis 2022. Ce camion est divisé en trois parties : une cuisine, un espace de vie pour des entretiens de manière confidentielle et une troisième partie pour faire de la consultation médicale. Un binôme médecin-infirmier de l’équipe d’e.CARE a été invité à faire des consultations médicales. Dans ce cadre-là, un certain nombre de femmes sont rencontrées.
  • La mise en place d’une permanence sociale sur un des lieux d’accueil de jour.
  • Le travail en réseau et mise en évidence de référentes : médecin traitant, référent social.
Freins
  • L’absence de référent·e social·e : Lorsqu’aucun·e travailleur·se social·e n’est présent·e pour accompagner la personne, les démarches d’accès aux soins s’avèrent particulièrement complexes, voire inaccessibles. Ce manque d’accompagnement représente un frein majeur à l’orientation, à la continuité et à la coordination des parcours de santé.
  • Le contrôle coercitif : Certaines femmes accompagnées par e.CARE sont confrontées à des situations de contrôle coercitif. Ce type de violence, exercé de manière délibérée et répétée par un·e partenaire ou ex-partenaire, vise à priver la personne de sa liberté d’action, à la rendre dépendante et à l’isoler de toute forme de soutien. Les femmes en sont majoritairement victimes. Leurs ressources sont souvent confisquées ou contrôlées, elles sont empêchées d’accéder aux services de santé, et privées des moyens nécessaires pour retrouver leur autonomie, résister ou fuir la situation de violence.
  • Les obstacles liés à la mobilité : L’éloignement géographique des lieux de soins et l’absence de transports en commun représentent un frein majeur pour les personnes hébergées en périphérie ou en zones rurales. Ces difficultés concernent particulièrement les personnes à mobilité réduite ou en situation de grande précarité, pour qui les déplacements sont parfois impossibles sans accompagnement adapté.
  • Le manque de structures d’hébergement sur le territoire : l’absence de logement, problématique de plus en plus fréquente, a clairement été identifiée comme un facteur aggravant la santé des femmes rencontrées.
Conseils du porteur de projet
  • Le portage par une structure de soins est important (CHU en l’espèce) et permet d’inscrire le dispositif dans la complémentarité avec les services existants (PASS, CeGIDD, Lit halte soins santé, équipe mobile, service de post-urgence médical, etc.) ;
  • Travailler avec le service interprétariat de la structure ;
  • Mettre en place des consultations avancées « hors les murs » pour repérer les patient·es précaires ;
  • Mettre en place un annuaire de professionnel·les de santé sécurisé, non communicable ;
  • Démarche gagnant – gagnant : Afin d’éviter l’épuisement des professionnelles de santé libéraux, il convient de s’adapter à la capacité de chaque professionnel·le en ne rajoutant pas plus d’un·e nouveau·elle patient·e par trimestre si cela est le souhait du médecin.
Perspectives
  • La mise en évidence d’une complexité importante dans le suivi des femmes en situation de précarité souffrant de pathologies cancéreuses a permis l’émergence d’un groupe de travail avec les partenaires hospitaliers et associatifs.
  • Transformation en un projet plus pérenne : les Lits halte soins de santé (LHSS) de jour avec mise en place d’ateliers collectifs de promotion de la santé. Il s’agit d’une demande qui a émané des patient·es rencontré·es.
Le territoire

Territoire : Toulouse métropole

Contrat de ville : oui, Toulouse métropole

Démarche territoriale de santé :

  • PRAPS régional
  • Plan régional de lutte contre la pauvreté + en lien avec les CPTS de Toulouse

Gouvernance / fonctionnement : Comité de pilotage composé de 28 personnes : professionnel·les de santé de ville et du CHU, patient·es, structures partenaires et travailleur·es sociaux des structures partenaires.

Contacts des référent·es

Docteur Karine PARIENTE, cheffe de service de la médecine sociale et santé sexuelle

Mail : pariente.k@chu-toulouse.fr

Marie DONIUS, Coordinatrice du dispositif e.CARE

Mail : donius.m@chu-toulouse.fr

> Pour accéder à la fiche pdf, cliquez ici 

[1] Déterminants du renoncement aux soins des femmes durant leur grossesse | Cairn.info

[2] Ouanhnon L et al. Women’s health in migrant populations: a qualitative study in France. Eur J Public Health. 2023.

[3] Un travail de thèse est actuellement en cours afin de retravailler cette grille. Cette grille est temporaire et comporte actuellement 8 critères.

[4] SPICO est l’outil de coordination régional financé par l’ARS Occitanie à usage des professionnels du sanitaire, social et médico-social.

[5] Le dossier patient unique ORBIS est désormais déployé dans les 39 hôpitaux de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris