Afin de développer la mise en réseau des professionnels sanitaires, sociaux, municipaux, associatifs… et les acculturer à certaines thématiques de santé publique, l’Atelier santé ville de Narbonne a proposé aux différents acteurs du territoire de construire des livrets décrivant des parcours de santé possibles. Destinés aux professionnels, trois ont été réalisés et diffusés en 2013 et 2014, sur les thématiques santé mentale, addictions et vie affective et sexuelle. Ces outils ont favorisé les relations entre professionnels sociaux et sanitaires, amélioré le travail en réseau et amorcé leur coordination. 

> PROBLÉMATIQUE : Comment aider les acteurs multiples d’un territoire à se repérer parmi les structures intervenant dans un parcours de santé, et leur offrir les possibilités d’une meilleure coordination ? 

 

Présentation de l’ASV

Structure porteuse : Ville de Narbonne (Direction de la santé)

Co-financements de l’ASV : État (DDCSPP), Communauté d’agglomération du Grand Narbonne, Ville de Narbonne

Ressources humaines : 1 ETP

Historique et contexte : la ville s’investit depuis près de dix ans sur la nutrition, notamment sur la prévention de l’obésité infantile avec le programme national Vivons en forme (anciennement EPODE). Une direction municipale de la Santé a été créée en 2009 et compte aujourd’hui huit agents. Constatant les difficultés à toucher les publics les plus vulnérables, la ville a créé un Atelier santé ville en 2010. La démarche a pour objectifs de réaliser un diagnostic partagé permanent, de piloter le volet santé du contrat de ville*, de coordonner les acteurs de proximité et d’impulser des actions de prévention sur les territoires prioritaires.

Autres dispositifs locaux en santé publique : en complémentarité avec l’ASV, la ville coordonne un contrat local de santé (CLS) signé en 2013, et déploie dans les écoles le programme Vivons en forme.

Un contrat local en santé mentale (CLSM) a été créé en 2015, suite au développement d’un réseau d’acteurs et à l’organisation de Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) depuis 2013. Il est co-animé par les coordonnatrices ASV et CLS et se structure autour de trois axes : veille et régulation (mise en place d’une cellule de gestion des situations complexes), information et sensibilisation (organisation des SISM) et projets innovants (développement d’une offre de prévention basée sur les compétences psycho-sociales).

De plus, Narbonne est membre du Réseau français des Villes-Santé de l’OMS depuis 2015.

Intégration dans la politique de la ville : le contrat de ville 2015-2020 de la Communauté d’agglomération du Grand Narbonne intègre, dans le pilier Cohésion sociale, l’enjeu de « réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et améliorer la prise en compte de la santé, appréhendée de façon globale, sur l’ensemble des quartiers prioritaires ». Les priorités du contrat de ville s’inscrivent dans le cadre du contrat local de santé de la ville de Narbonne. L’Atelier santé ville a un rôle d’accompagnement et d’appui méthodologique aux projets de promotion de la santé développés sur les quartiers prioritaires.

Le contrat de ville est signé à l’échelle de la communauté d’agglomération du Grand Narbonne, mais tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont situés sur la ville de Narbonne. 

 

Éléments-cadre du projet présenté

Échelle d’intervention du projet : ville, avec une attention particulière portée aux professionnels travaillant sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Partenaires du projet : cf. le tableau ci-dessous reprenant l’ensemble des partenaires ayant participé à l’élaboration des livrets

Public cible : professionnels des champs social, médico-social et médical intervenant sur le territoire de Narbonne

Durée du projet : l’élaboration de chaque livret a duré en moyenne un an (entre 2012 et 2014) ; leur diffusion est toujours assurée

Co-financements du projet : budget d’actions de l’ASV [coût graphisme d’un livret et impression de 500 exemplaires : 5300 €]

Ressources humaines dédiées au projet : la coordonnatrice ASV estime avoir consacré 30 % de son temps de travail à l’élaboration des trois livrets entre 2012 et 2014

 

Histoire du projet

L’Atelier santé ville et le comité de pilotage du contrat local de santé de Narbonne ont mis en place un espace de concertation réunissant plus de 70 professionnels, organisé autour de commissions. Dans le cadre de la commission Santé mentale, des temps de sensibilisation ont été proposés en 2011 pour que les acteurs partenaires de l’ASV s’approprient la thématique de la santé mentale : deux modules d’information sur l’organisation territoriale de la psychiatrie, les liens entre troubles psychiques et précarité, et une visite du centre médico-psychologique.

Afin de conserver une trace écrite de ces échanges, de poursuivre le travail de mise en réseau et de produire un support diffusable à la première semaine d’information sur la santé mentale (SISM) en 2013, l’ASV a réalisé, avec ses partenaires, un livret présentant les différents acteurs et structures intervenant dans le parcours de soins d’une personne atteinte de troubles psychiques.

L’année suivante, sur la même méthode, mais élargis à la notion de « parcours de santé », deux autres livrets ont été réalisés avec les membres de la commission Accès à la santé : « addictions » et « vie affective et sexuelle » (téléchargeables ci-dessous parmi les ressources). Ce ne sont pas de simples annuaires listant des contacts. Ils sont des outils d’information co-construits permettant aux professionnels de mieux connaître les ressources disponibles, d’améliorer le travail en réseau et l’orientation des publics. L’avant-propos du livret « Addictions » présente l’objectif de l’outil en ces termes :

« Ce livret a été conçu afin d’améliorer l’orientation, la compréhension du parcours, le travail en réseau et le repérage, en matière d’addictions au niveau local. En ce sens, c’est un outil au service d’une coordination locale en matière de santé. Il doit être abordé comme un support, un outil de travail pour les professionnels qui bien souvent se retrouvent en difficulté face aux conduites addictives des usagers de leurs structures. »

D’une part, le processus d’élaboration a permis d’amorcer des réseaux de professionnels et de faire se rencontrer des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble. D’autre part, les livrets, distribués largement aux acteurs de terrain, sont un outil apprécié des professionnels, en particulier par les nouveaux arrivants sur la ville de Narbonne, pour se repérer dans le paysage institutionnel et associatif et connaître les structures pouvant leur apporter des réponses.

Une co-construction entre spécialistes et acteurs de terrain

Les trois livrets ont été construits selon le même processus : des temps de sensibilisation pour s’approprier la thématique et « accrocher » de nouveaux partenaires, des réunions d’élaboration du livret, des allers-retours pour une validation commune du document final, enfin la diffusion du livret mis en page.

Chaque groupe était constitué d’acteurs spécialisés sur la thématique abordée et d’acteurs de terrain en première ligne avec les publics. Ce croisement des regards a apporté des connaissances thématiques et permis de correspondre aux réalités des acteurs de proximité.

Cela a également aidé les acteurs à apprendre à se connaître et appréhender leurs complémentarités. En effet, des acteurs ayant participé à l’élaboration d’un ou plusieurs livrets soulignent que cela a amélioré les partenariats. Par exemple, l’éducateur du GEM** souligne que sa participation à l’élaboration des livrets, en présence des secteurs psychiatriques, lui a permis d’établir des liens plus étroits et facilite désormais la communication entre les structures. Cela a même été formalisé, puisque, tous les trimestres, le GEM et les secteurs de psychiatrie se rencontrent pour améliorer leur coordination.

Le temps de l’élaboration a été un temps de discussions, de débats entre les structures : lors du travail de schématisation du parcours de santé, chacun se confrontait aux représentations des autres. Par exemple, concernant le repérage des personnes devant entrer dans un parcours de soins en santé mentale, le rôle de l’équipe mobile intersectorielle précarité psychiatrie (EMIPP) n’était pas perçu par tous les membres du groupe de travail : tous les professionnels n’envisageaient pas l’EMIPP comme une porte d’entrée pour engager un parcours de soins. Le livret a ainsi  permis de clarifier les rôles, les avantages et les limites de chaque dispositif.

La confrontation des regards et des expériences entre les professionnels spécialisés et les acteurs de proximité a permis d’enrichir les connaissances de chacun et de tenir compte de la diversité des parcours de santé. Le secteur sanitaire a entendu l’importance du rôle des acteurs sociaux et les acteurs de proximité ont mieux compris les articulations entre les structures de soins.

Les partenaires de l’ASV ayant participé à l’élaboration d’un ou plusieurs livrets

* La ville de Narbonne a ouvert, en 2008, un service gratuit d’aide à l’accès aux droits, animé par un accompagnateur socio-administratif qui apporte un soutien aux personnes en difficulté dans leurs démarches administratives et sociales (retraite, surendettement, Protection universelle maladie, allocation personnalisée d’autonomie, …). 

 

L’utilisation des livrets par les acteurs de proximité : une aide à l’accompagnement des publics

Les livrets s’adressent en premier lieu aux professionnels de structures accueillant du public (GEM, travailleurs sociaux de la ville, associations diverses, mais aussi centre hospitalier, médecins généralistes). Dans une moindre mesure, certaines structures mettent à disposition les livrets pour leurs publics lorsqu’elles le jugent utile (le GEM a distribué des livrets Vie affective et sexuelle en lien avec des interventions du Planning familial ; une médecin généraliste du centre-ville a déposé les livrets dans la salle d’attente ; …).

Quelles informations contiennent chaque livret ?

  • Des schémas représentant les parcours de santé ;
  • Une fiche thématique « qui fait quoi ? » où les acteurs locaux pertinents sont classés selon le type de réponse qu’ils peuvent apporter, que ce soit de l’information, de la prévention ou des soins ;
  • La présentation des structures, où sont détaillés leur rôle, leurs missions (ce que fait la structure/ce que ne fait pas la structure), les publics qu’elles accueillent, et enfin un contact ;
  • Des questions-réponses (ex : « Lorsqu’une personne est en situation de mal-être, à qui s’adresser ? », « Dois-je avoir mes papiers à jour pour accéder aux soins ? », « Quels sont les droits à la contraception pour les mineures ? »)

Le parcours de soins en santé mentale à Narbonne (source : livret Parcours de soins en santé mentale, Réseau ASV Narbonne, 2013)

Le parcours de santé en matière de vie affective et sexuelle (source : livret Parcours de santé Vie affective et sociale, Réseau ASV Narbonne, 2014)

Les professionnels qui utilisent les livrets soulignent qu’ils sont un outil intéressant pour prendre connaissance du territoire et repérer les différents acteurs. Ils ne sont pas conçus pour apporter une réponse précise à une question, mais permettent une compréhension globale du parcours de santé (« c’est un gain de temps »).  C’est également un outil qui aide les travailleurs sociaux à repérer où une personne en est dans son parcours et à l’orienter vers une structure adéquate si nécessaire.

Le livret « Parcours de santé » thématique : un outil préalable à la coordination des acteurs de proximité

Une des plus-values indéniables de ce projet réside dans le temps d’élaboration des livrets. En effet, le processus de co-construction de chaque livret a participé à la mise en réseau des acteurs sociaux et sanitaires et développé des habitudes de travail ensemble. Il s’agissait d’abord de « comprendre qui fait quoi » avant de développer des partenariats ou un travail en réseau systématique. En cela, ce projet aide à fluidifier les parcours pour les populations et a été une amorce à la coordination (travail poursuivi dans le cadre du contrat local de santé).

L’élaboration des livrets a été un temps important pour le développement du réseau, d’après la coordonnatrice ASV et ses partenaires. Les discussions sur la rédaction des livrets amènent des questions très précises et engagent un travail en commun : le livret en construction a été un outil de dialogue. Ce temps de formalisation exige du temps et de la précision dans le vocabulaire utilisé. L’implication demandée aux partenaires était importante (environ une demi-journée par mois le temps de l’élaboration, puis du temps de relecture du document finalisé) : les participants sont restés mobilisés par l’objectif précis de réalisation d’un livret.

La participation et l’aboutissement à un document final mis en page et distribué sont valorisants pour l’ensemble des partenaires. Les différents professionnels, en particulier sanitaires qui ont peu l’habitude de ce type de projet, se sont appropriés l’outil, d’autant plus facilement qu’ils l’avaient co-construits.

La confrontation des regards et le besoin d’un consensus pour finaliser les livrets ont été l’occasion de questionner l’offre de santé. Les structures présentées dans chaque livret ont participé à son élaboration et l’ont validé : les échanges ont pu parfois dévoiler un décalage entre les missions officielles d’une structure et ses activités (certaines missions étant mises de côté). Par exemple, lorsque le CSAPA indique dans le livret Parcours de santé en addictions la réduction des risques parmi ses missions, cela l’engage à mettre à disposition le matériel nécessaire.

Les livrets finalisés offrent une information synthétique, juste et adaptée au territoire. Le travail de graphisme et de mise en page leur a apporté une valeur ajoutée. Concernant l’utilisation des livrets par les professionnels, voire par les habitants, il est difficile de l’évaluer (l’évaluation n’a pas été pensée en amont du projet : pour pallier au manque de suivi, une fiche répertoriant les distributions a été mise en place a posteriori). Se pose aussi la question de l’accompagnement des professionnels sociaux, au-delà de la distribution d’un livret d’information et de sensibilisation sur des thématiques santé. L’accompagnatrice administrative de la ville relève qu’il reste difficile d’aborder certaines questions, notamment sur les addictions, avec le public qu’elle reçoit. Elle n’est pas, en effet, nécessairement légitime à aborder des questions de santé avec des personnes qui ne la sollicitent pas pour cela.

Il faut noter que les livrets ne rencontrent pas la difficulté de mise à jour des annuaires : présentant des structures, plutôt que des contacts individuels, les livrets ne sont pas obsolètes. En effet, trois ans après leur publication, les informations sur les structures présentées (missions, coordonnées, …) sont toujours valides.

Enfin, pour l’ASV en tant que tel, les livrets s’avèrent être une sorte de « carte de visite » pour la démarche, mais aussi pour ses partenaires : ainsi, le directeur du Centre hospitalier a valorisé ce travail partenarial (« Regardez ce que l’on fait avec les acteurs »). Ce sont des supports qui identifient l’ASV et le rendent visible : un logo a été créé à cette occasion et les trois livrets respectent une même charte graphique.

** Créés par la loi Handicap du 11 février 2005, les Groupes d’entraide mutuelle (GEM) sont des espaces d’accueil, d’échanges et de convivialité pour des personnes souffrant de troubles psychiques. Leur objectif principal est de rompre l’isolement des personnes concernées et de favoriser leur intégration sociale.

 

Résultats

* Nombre de livrets imprimés et distribués : 640 Parcours de soins en santé mentale, 652 Parcours de santé en addictions, 372 Parcours de santé en vie affective et sexuelle.

* Supports aidants pour les nouveaux professionnels du territoire : une représentation plus claire des parcours possibles de santé et une aide pour l’accompagnement (notamment grâce à une cartographie des deux secteurs de psychiatrie qui couvrent la ville).

* Amélioration des relations partenariales : meilleure interconnaissance des acteurs du territoire et des parcours ville-hôpital.

Perspectives

Les livrets Parcours de santé ont constitué une étape importante de mise en réseau des acteurs. La coordonnatrice du contrat local de santé peut s’appuyer sur cette bonne connaissance entre acteurs pour aller plus loin en travaillant la coordination des acteurs dans les parcours de santé. De même, le Conseil local en santé mentale (CLSM), créé en 2015, a consacré et valorisé le réseau d’acteurs concernés par les questions de santé mentale, notamment par la création d’une Cellule ressources (espace d’échanges entre professionnels pour gérer des situations complexes).

Enfin, l’ASV envisage de réaliser des supports d’informations à destination des habitants et de les co-construire avec des habitants.

 

Bonnes pratiques

* Intégrer dans l’élaboration les acteurs de proximité en lien direct avec les populations et les acteurs experts de la thématique abordée (il s’agit de faire se rencontrer et dialoguer ces deux sphères).

* Amorcer le travail sur le livret par des temps de sensibilisation et de rencontres des professionnels (il s’agit d’adopter un langage commun).

* Prendre le temps de la co-construction (temps de travail communs, validation par l’ensemble des partenaires).

* Impliquer les directions des acteurs de terrain participant.

* Réaliser un produit fini qui soit beau esthétiquement (prévoir une charte graphique et des frais d’impression).

* Définir les thématiques de travail selon les besoins repérés sur le territoire et les attentes des professionnels.

 

Ressources

* Parcours de soins en santé mentale – Réseau ASV Narbonne (2013)

* Parcours de santé en addictions – Réseau ASV Narbonne (2013)

* Parcours de santé vie affective et sexuelle – Réseau ASV Narbonne (2014)

 

Contact

Gaëlle Sallé, Coordonnatrice Atelier santé ville

g.salle[at]mairie-narbonne.fr

04 68 90 26 34

 

Récit rédigé en août 2016 par la PnrASV, à partir d’échanges avec Aurélie Griffoulière, coordonnatrice CLS, Gaëlle Sallé, coordonnatrice ASV, Jordan Caravielhes, moniteur-éducateur au GEM La Soleyade, Charlotte Devèze, accompagnatrice socio-administrative à la ville de Narbonne, et Fatiha Slayki, médiatrice sociale au Centre d’information sur les droits des femmes et des familles de l’Aude.

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