Par Médecins du Monde

Rédigée par Flavienne Mazardo-Lubac, Coordinatrice

PROBLÉMATIQUE & CONTEXTE

La Haute Vallée de l’Aude est une zone rurale de moyenne montagne, qui a été identifiée comme un secteur à accessibilité contrainte avec un déficit d’accessibilité aux services. Dans un contexte de raréfaction de l’offre de soins, les délais d’accès à des professionnel·les de santé s’allongent et le périmètre pour accéder à un·e professionnel·le s’étend.

Les personnes en situation de précarité sont particulièrement impactées et délaissent progressivement leur santé face aux difficultés d’accès aux droits, à la prévention et aux soins.

Aussi, isolement géographique, familial ou social, pratiques à risques, méconnaissance du système de santé, difficultés liées à la barrière du numérique, etc., sont autant de facteurs de vulnérabilité pouvant conduire à une rupture dans l’accès au système de droit commun.

La médiation en santé apparait comme un levier essentiel pour remobiliser les personnes et limiter les renoncements aux soins. Cette nouvelle pratique est une solution de proximité, mobile, qui fait de l’« aller-vers ».

OBJECTIFS

Objectif général : Contribuer à améliorer l’état de santé des personnes en situation de précarité dans la Haute Vallée de l’Aude, en luttant contre les inégalité sociales et territoriales de santé. Il s’agit de garantir un accès à la santé pour tou·tes.

Objectif spécifique 1 : Repérer et remobiliser autour de la santé les personnes en situation de précarité, renforcer leurs capacités à accéder au système de santé et favoriser leur autonomie en santé et leur pouvoir d’agir.

Objectif spécifique 2 : Sensibiliser les acteur·rices du système de santé sur les difficultés rencontrées par les personnes en précarité dans leur accès à la santé.

RACONTEZ VOTRE PROJET…

Médecins du Monde met en œuvre en Haute Vallée de l’Aude depuis fin 2016 un projet innovant de médiation en santé, qui assure une fonction d’interface de proximité entre les personnes en précarité rencontrant des difficultés dans leur parcours de santé, et les acteur·rices locaux·ales pouvant répondre à leurs besoins.

L’établissement d’un lien de confiance avec les personnes ayant des difficultés d’accès à la santé est un préalable. Le projet privilégie la rencontre de proximité, avec la mise en place de permanences décentralisées dans différents lieux du territoire (locaux de MdM, dans des mairies, etc.) et des activités d’« aller vers » les personnes les plus marginalisées (lieux de distribution alimentaire, squats etc.). Les permanences sont généralement assurées en binôme, avec une médiatrice en santé salariée et un·e bénévole (accueillant·e, soignant·e) de MdM. Un·e deuxième bénévole peut également être présent·e.

Le projet s’inscrit dans une approche de santé globale et de recherche de l’autonomisation des personnes pour que chacun·e soit acteur·rice de sa santé. Le « faire avec » est une dimension essentielle de la médiation en santé et privilégié au « faire à la place ». Grâce à un positionnement de non-jugement et une écoute active, nous menons une évaluation des besoins sociaux et de santé pour identifier, avec la personne, ses difficultés et rechercher ensemble des solutions adaptées. Il faut s’assurer que la personne adhère et voit du sens à l’accompagnement, aux démarches. S’intéresser à son état de santé, accepter de se faire soigner, être en capacité d’établir des relations satisfaisantes avec les soignant·es sont des étapes qui s’inscrivent dans la durée.

Aussi, nous avons mis en place un outil de recueil de données afin de documenter les difficultés d’accès à la santé rencontrées par les personnes (sont-elles isolées, peuvent-elles se déplacer, etc.).

L’action comprend un axe sur l’accès à la prévention. Des Tests Rapides d’Orientation de Diagnostic (TROD) VIH, VHB (hépatite B) et VHC (hépatite C) sont proposés, qui permettent d’aborder des sujets comme la sexualité et la consommation de produits psychoactifs. Nous adoptons une posture de réduction des risques en s’adaptant aux réalités de la personne. En fonction des problématiques et besoins des usager·es, des actions collectives de prévention sont mises en place afin de développer une dimension de groupe et renforcer l’implication.

Enfin, pour améliorer le parcours de santé des personnes et favoriser les rencontres et coopérations entre les acteur·rices des champs de la santé et du social, Médecins du Monde participe activement au développement d’un Réseau Santé Précarité HVA (Haute Vallée de l’Aude).

RÉSULTATS

Par rapport aux objectifs, quels résultats ont été obtenus ?

  1. (Re)créer la rencontre avec les personnes concernées
  • Une centaine de permanences ont lieu chaque année dans différents lieux du territoire
  • Une cinquantaine d’actions sont réalisées hors les murs (présence sur des lieux fréquentés par les personnes en situation de précarité, lieux de distributions alimentaires ou vestimentaires, et « aller-vers » sur des lieux de vie, tels que des petits squats)
  • Quelques visites sont réalisées à domicile
  1. Faciliter la coordination du parcours de soins
  • Près de 200 personnes sont accompagnées individuellement chaque année (soit 1% de la population du territoire d’intervention)
  • Plus de 400 entretiens de médiation en santé sont réalisés par an
  • En moyenne, il y a deux accompagnements physiques par mois à des rendez-vous médicaux
  • Près de 300 orientations sont effectuées par an auprès de partenaires médico-sociaux (voir plus bas les partenaires de l’action)
  1. Proposer des actions collectives de promotion de la santé

Nous encourageons la participation des personnes accompagnées à des actions de promotion de la santé, notamment en matière d’alimentation (des ateliers « Manger équilibré pour 3 fois rien », dans le cadre du Projet Alimentaire Territoriale (PAT), implication dans le « Jardin des Colibris » (association d’usager·es)), ou encore à des actions de sensibilisation sur les violences liées au genre.

Nous informons le public des espaces de démocratie sanitaire et avons notamment mobilisé des personnes à participer aux rencontres du Conseil régional des personnes accueillies-accompagnées (CRPA).

  1. Participer aux actions structurantes
  • Création et développement d’un réseau Santé précarité HVA.

Dans ce cadre, une journée partenariale évènementielle a été organisée, « Parlons santé », sur la prévention santé. MdM a constitué un « pool de médiateur·rices santé » qui ont accompagné les personnes pour échanger avec les professionnel·les sur les stands.

  • Organisation d’évènements, comme une conférence le 7 octobre 2021 sur l’accès à la santé en zone rurale (retrouvez ici les replays de cette journée).
  • Rapport d’activités annuel explicitant les difficultés d’accès à la santé rencontrées par le public.

Avez-vous observé des effets inattendus ?

Dans la logique de santé communautaire, MdM cherche à accompagner le développement du pouvoir d’agir des personnes sur les facteurs déterminants de leur santé. Plusieurs personnes accompagnées ont exprimé le souhait de travailler sur l’alimentation, alors que ce n’était pas une thématique identifiée comme prioritaire. Des liens se sont progressivement tissés avec le PAT et par ce biais, avec des producteur·rices locaux·ales. Ce type de partenariat n’avait initialement pas été pensé.

Les personnes accueillies faisant régulièrement remonter la problématique autour de l’hébergement et du logement, nous avons organisé des groupes de paroles et démarré un recueil de témoignages sur ce sujet alors qu’il n’était pas initialement prévu. Dans notre logique de plaidoyer, nous avons interpellé les autorités compétentes ainsi que la Fondation Abbé Pierre. Cela a permis par la suite des premières interventions sur le territoire de l’association Les compagnons bâtisseurs, qui réalise des chantiers chez et avec les habitant·es, en auto-réhabilitation accompagnée.

Quelles sont les perspectives pour l’action ?

Ce programme a démontré sa pertinence et son utilité pour l’accès à la santé des personnes en situation de précarité en zone rurale.

MdM n’ayant pas vocation à s’implanter durablement sur des territoires, il s’agit désormais pour nous de réfléchir au transfert de ce programme tout en assurant sa pérennité. Il est également important pour nous qu’un travail de capitalisation et de diffusion de cette expérience soit réalisé afin de permette l’essaimage de cette méthode d’intervention, qui doit bien sûr être adaptée à chaque territoire.

Si un autre territoire souhaitait reproduire votre action, quels conseils lui donneriez-vous ?

La temporalité est une dimension essentielle à prendre en compte.

En amont de la mise en œuvre du programme, la rencontre préalable des différent·es acteur·rices nous a semblé une étape essentielle pour faciliter la compréhension de l’action de médiation en santé. La médiation en santé nécessite une parfaite connaissance des partenaires du territoire, qu’ils·elles soient médicaux·ales et sociaux·ales, professionnel·les et bénévoles, afin d’orienter efficacement des personnes qui ont souvent été renvoyées d’une structure à une autre.

Gagner la confiance d’un public en précarité éloigné de la santé nécessite du temps. Du temps pour réaliser des activités « d’aller vers » hors les murs, avec une fréquence d’intervention suffisante pour que les personnes puissent repérer le·la médiateur.rice en santé, et aussi pour que le bouche à oreille fonctionne. Du temps aussi pour redonner confiance aux personnes et qu’elles acceptent de retourner vers le droit commun. Le sentiment de ne pas être pris·e en compte s’est avéré une barrière importante dans l’accès à la santé. Et l’autonomisation nécessite une écoute, des entretiens répétés.

L’approche territoriale et non populationnelle du programme peut compliquer le démarrage des actions collectives. Ce qui fait communauté n’est pas évident et il faut travailler progressivement l’implication des bénéficiaires, en recherchant et en encourageant à chaque étape mais à leur rythme, la participation des personnes.

Un programme de ce type en zone rurale nécessite au moins une année pour développer tous les axes d’intervention.

FICHE-IDENTITÉ DE L’ACTION

Porteur de l’action :

Médecins du Monde

Territoire d’intervention :

La Communauté de Communes des Pyrénées Audoises et l’ex-Pays de Couiza (intégré désormais à la Communauté de Communes du Limouxin). Cela représente 86 communes réparties sur plus de 1200 km2 et rassemblant plus de 19 000 personnes. La densité de population est faible, 16 habitant·es au km². Seulement 2 villes ont plus de 2000 habitant·es.

Cadre(s) d’intervention/politique(s) dans lequel s’inscrit l’action :

L’article 90 de la loi de Modernisation de notre Système de Santé (LMSS) du 27 janvier 2016 a introduit la médiation en santé en direction des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins dans le Code de la Santé Publique (art. L 1110-13 du CSP).

Depuis janvier 2020, un nouveau Contrat Local de Santé (CLS) a été signé entre l ’Agence Régionale de Santé et la Communauté de Communes des Pyrénées Audoises et la Communauté des Communes du Limouxin. Le programme s’inscrit dans plusieurs des axes stratégiques du CLS.

Publics visés :

Le public cible est constitué de personnes en situation de précarité et en difficulté pour accéder à la santé. Parmi les personnes accueillies, les profils rencontrés sont variés :  bénéficiaires des minimas sociaux, personnes seules, retraitées, jeunes en errance, néoruraux, usager·es de produits psychoactifs, etc.

Partenaires opérationnels :

Les partenaires institutionnels et sociaux :

Agent·es des institutions (Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), Mutualité sociale agricole (MSA), etc.), Contrat local de santé (CLS), Département de l’Aude (assistant·es sociaux·ales, espaces séniors, PAT), Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD), associations caritatives (Restos du cœur, Secours catholique, Secours populaire, Croix-Rouge, Petits Frères des Pauvres), Aude Urgence Accueil, Service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO), etc.

Les partenaires médicaux :

Professionnel·les du soin, Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP), Centre Médico-Psychologique (CMP), Centre de soins, d’accompagnement et de prévention des addictologies (CSAPA) – Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usager·es de drogues (CARUUD), Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CEGIDD), Centres hospitaliers, Permanences d’accès aux soins de santé (PASS), etc.

Les partenaires facilitateurs (prêts de salles, etc.) :

Les communes, la Communauté de communes des Pyrénées Audoises.

Partenaires financiers :

L’Agence Régionale de Santé (ARS), et d’autres soutiens de l’État selon les années (Fonds de développement de la vie associative (FDVA), France relance) ; le Département de l’Aude ; enfin, des soutiens de différentes fondations en fonction des années (Crédit agricole, Michelin, Nouvelle Entreprise Humaine en Santé).

Précisez la gouvernance de l’action :

La gouvernance est interne à Médecins du Monde et réunit différents niveaux d’expertise. Des échanges réguliers ont lieu avec les partenaires opérationnel·les du programme au sein du Réseau santé précarité HVA. Une rencontre annuelle avec chaque financeur est organisée.

TERRITOIRE

Votre action s’inscrit-elle dans une dynamique territoriale de santé ?

Un Atelier Santé Ville

X Un contrat local de santé

Un conseil local de santé mentale

Autre (précisez : …………………………………….)

Le territoire est-il couvert par un contrat de ville ?

Oui

X Non

Ne sait pas

Si oui, votre action s’inscrit-elle dans le contrat de ville ?

Oui

X Non

Ne sait pas

AUTRES RESSOURCES

Malette de capitalisation d’un programme de médiation en santé de Médecins du Monde en Auvergne

CONTACT RÉFÉRENT

Prénom Nom

  • Flavienne Mazardo-Lubac

Fonction

  • Coordinatrice

Structure

  • Médecins du Monde

Mail

Tél

  • 07 60 25 23 49

Mis à jour en février 2023

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