Cherchant à améliorer le taux de recours aux dispositifs CMU et CMU-C, l’Atelier santé ville du Gier-Ondaine-Andrézieux-Bouthéon porté par la communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole est intervenu à deux niveaux : 

  • la création de supports de communication originale s’adressant directement aux publics éligibles en s’appuyant sur l’expertise d’un designer de l’information ;
  • la formation  des structures de proximité aux dispositifs CMU-CMU-C et à la notion de précarité pour faciliter l’activation des droits. 

> PROBLÉMATIQUE : comment améliorer les taux d’accès à la CMU et CMUC dans des territoires périurbains et ruraux ?

[Mots-clés : accès aux droits et aux soins ; partenariat et réseau ; participation des habitants ; public précaire ; Rhône-Alpes]

[Axe stratégique de la Charte d’Ottawa visé : Renforcer l’action communautaire]

 

Présentation de l’ASV

Structure porteuse de l’ASV : Communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole (direction de l’aménagement du territoire / service Solidarités)

Co-financements de l’ASV : DDCS, communauté d’agglomération

Ressources humaines : 0,4 ETP

Coordonnatrice actuelle ASV en poste depuis : 2014 (cheffe de projet politique de la ville sur le même territoire depuis 2007)

Historique et contexte : Géographiquement, la communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole est composée de trois entités : la ville centre de Saint-Étienne, la vallée de Gier et la vallée de l’Ondaine. Le territoire fait face au déclin de son économie historiquement industrielle.

La ville centre ayant créé son ASV dès 2004, la communauté d’agglomération a souhaité, dans le cadre de sa compétence Politique de la Ville, en développer un sur ses territoires non couverts, en 2009, afin d’assurer « une certaine équité ». C’est pourquoi, l’ORS Rhône-Alpes et la communauté d’agglomération ont réalisé un  diagnostic santé en 2009 assorti de priorités et  suivi d’un premier programme d’actions en 2011. La coordination de l’Atelier santé ville est assurée par la cheffe de projet politique de la ville, à hauteur de 40% de son temps de travail.

Depuis 2013,  le pilotage de l’ASV ne s’appuie plus sur une instance dédiée mais sur le comité de Pilotage  du contrat de ville (anciennement CUCS) afin de maintenir la mobilisation des acteurs d’ores et déjà très sollicités et développer la santé comme un axe transversal à l’ensemble des thématiques de la politique de la ville.

Intégration dans la politique de la ville : l’ASV constitue une « cheville ouvrière » du volet santé de la politique de la ville dans le contrat de ville de l’agglomération 2015-2020.

Autres dispositifs locaux en santé publique : la ville de Saint-Etienne dispose d’un CLS, mais il n’y a pas de CLS à l’échelle de la communauté d’agglomération.

 

Éléments-cadre du projet présenté

Échelle d’intervention du projet : les vallées du Gier et de l’Ondaine et la ville d’Andrézieux-Bouthéon (étendue à la ville de Saint-Étienne pour la diffusion des supports de communication créés)

Pilote du projet : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Rhône-Alpes, en partenariat avec l’ASV

Partenaires du projet : services de l’État (DDCS et délégué du préfet), ARS Rhône-Alpes, IREPS Rhône-Alpes, Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), un Centre communal d’action sociale (CCAS), un Centre social, Cité du design

Public cible : d’une part, les structures de proximité (centres sociaux, épiceries sociales et solidaires, Maisons des jeunes et de la culture, …) ; d’autre part, les personnes éligibles à la CMU/CMU-C n’activant pas leurs droits

Durée du projet : formations en septembre 2014 ; conception des supports de communication de décembre 2014 à septembre 2015 ; déploiement en cours

Co-financements du projet : DDCS, ARS, communauté d’agglomération

Ressources humaines dédiées au projet (hors coordination ASV) : 0,15 ETP de l’IREPS Rhône-Alpes + une mission de design confié à l’Atelier Barbichette, encadrée par la Cité du design

 

Histoire du projet

Améliorer l’accès aux droits par la pédagogie et l’information

En 2013, lors des « États généraux de l’aide alimentaire » (financés par l’ARS Rhône-Alpes), des structures de proximité accueillant des publics vulnérables ont exprimé un manque de connaissance fine des dispositifs de protection sociale de droit commun, leur complexité les empêchant d’accompagner les publics en difficulté. L’ASV s’est saisi de cette demande et a co-construit un projet porté par l’IREPS en lien avec la CPAM.

Des données locales sur l’accès aux droits et le recours aux soins n’étant pas disponibles, les partenaires (ASV, IREPS, CPAM, préfecture, ARS) ont choisi de reprendre à leur compte les statistiques nationales (20% du public éligible à la CMU et CMU-C n’ouvriraient pas leurs droits), estimant que le territoire de Saint-Étienne Métropole ne faisait pas exception.

L’ASV s’est alors donné comme objectif stratégique d’améliorer l’accès aux soins des publics en situation de précarité, via l’amélioration du recours aux dispositifs de droit commun (CMU [couverture maladie universelle], CMU-C [couverture maladie universelle complémentaire], ACS [aide au paiement d’une complémentaire santé]), décliné en objectifs opérationnels :

  • Permettre aux acteurs concernés par les publics en situation de précarité d’accompagner vers les dispositifs CMU-CMU-C : clarifier la notion de précarité et mieux identifier les conditions d’intervention auprès des publics concernés ;
  • Répondre, par le design, à la question de l’accompagnement des personnes en difficulté vers un accès aux différents dispositifs de soin ou de prévention telle que la CMU : créer des supports simples et clairs qui pourront permettre de faciliter l’accès à la CMU et la prise en charge des populations, non plus seulement dans une phase de soin, mais aussi dans une phase de prévention. 

Volet 1 : Des formations aux dispositifs CMU et CMU-C des acteurs en lien avec les publics en situation de précarité

Sur un format d’une journée, trois sessions de formation ont eu lieu (deux sur le territoire de l’Ondaine, une sur le Gier), à destination des acteurs locaux qui sont en lien avec les publics précaires (centres sociaux, épiceries sociales et solidaires, …). Animées par l’IREPS et la CPAM, elles portaient sur les représentations de la pauvreté et les explications des conditions d’accès aux dispositifs CMU (couverture maladie universelle), ACS (aide au paiement d’une complémentaire santé) et AME (aide médicale de l’État), illustrées par des cas concrets.

Pour mobiliser les acteurs, un travail de relance téléphonique et par mail a été réalisé par l’ASV, la déléguée du préfet et la DDCS. Le nombre de participants a été moindre que prévu : cela peut s’expliquer par le fait que ce sont des petites structures de proximité ayant peu de ressources humaines et de temps. Cela dit, les participants présents étaient très motivés et deux d’entre eux ont intégré le groupe de travail dédié au deuxième volet du projet.

Volet 2 : Des supports de communication auprès des habitants

La réalisation de supports de communication répond au besoin de proposer une communication adaptée à un public souvent peu réceptif aux messages écrits traditionnels. Ainsi, les supports doivent répondre aux objectifs suivants :

  • Permettre aux publics de se familiariser et mieux comprendre l’univers de la protection sociale, en évitant toute caricature et toute stigmatisation ;
  • Permettre aux publics de repérer les ressources et relais pour l’accès à la CMU et CMU-C. 

Le design comme méthode de conception d’outils adaptés

En partenariat avec la Cité du design, implantée à Saint-Étienne depuis 2009, un groupe de travail a construit une campagne de communication originale visant à faciliter l’accès aux droits. Ce groupe réunit, au côté de la coordinatrice ASV, le pilote de l’IREPS, le pilote de la Cité du design, des représentants de la CPAM, de l’ARS, de la préfecture (Direction départementale de la cohésion sociale), ainsi que la responsable du secteur adultes d’un centre social et la directrice adjointe d’un CCAS. Pour mener à bien ce projet, une designer chargée de mission a été recrutée et supervisée par la Cité du design et l’IREPS (pour une mission estimée à 30 jours sur le premier semestre 2015). L’offre décrit la mission comme suit :

« Le designer aura pour mission de répondre, par le design, à la question de l’accompagnement des personnes en difficulté vers un accès aux différents dispositifs de soin ou de prévention tels que la couverture maladie universelle (CMU). L’enjeu majeur est de créer des supports simples et clairs qui pourront permettre de faciliter l’accès à la CMU, et de fait, permettre aussi la prise en charge des populations non plus seulement dans une phase de soin, mais aussi dans une phase de prévention de la maladie. Les éléments qui seront imaginés devront pouvoir être compris par tous, quelles que soient les difficultés de chacun (difficulté de lecture, d’écriture, personnes socialement démunies, …). »

La méthode de conception, classique chez les designers, n’est pas nécessairement portée vers la seule production d’objet et s’est déclinée en 4 temps : comprendre (aller à la rencontre des acteurs du terrain et des usagers), concevoir (imaginer les supports graphiques et leurs scénarios d’usages), produire (matérialiser les supports imaginés), expérimenter (tester les supports auprès des acteurs de terrain et des usagers, imaginés dans les lieux qu’ils fréquentent tels que épicerie sociale, PASS, missions locales, CCAS, …). Une phase courte d’observation et de prise de connaissance du terrain, avec la rencontre de professionnels et d’usagers, a été organisée en amont de la phase de conception.

Trois supports de communication ont été conçus en 2015, pour trois types de public :

  • Pour toucher une cible élargie, seront distribués auprès de boulangers partenaires et de supermarchés discount (contacts en cours) des supports d’emballage présentant des pictogrammes liés à la santé et le message « Bon sang, prends soin de toi ! ». Le but est de susciter la curiosité et la discussion ;
  • Auprès des jeunes et des étudiants, des sacs en toile (avec le message « Ramène la couverture à toi ») informeront que « la CMU est un droit pour tous ». Ces sacs seront distribués par les missions locales et l’université à la rentrée 2016. ;
  • Auprès des publics à faibles revenus, des cartes à gratter dévoilant le message « La CMU est un droit pour tous », accompagné d’un contact relais, seront distribuées. Cela nécessite un travail en amont pour mobiliser les acteurs de terrain en lien avec les publics précaires qui pourront distribuer ces cartes, informer et orienter efficacement les personnes. À cette fin, deux réunions ont été organisées avant le lancement de l’outil, auprès des chefs de projet politique de la ville, des centres sociaux, des MJC, des référents du PLIE, des CCAS, des épiceries sociales et solidaires, d’associations de prévention…

Ces différents outils seront déployés à partir de 2016 sur des sites expérimentaux : une ville sur chacune des vallées Gier et Ondaine et le centre-ville de Saint-Étienne. Ces choix territoriaux ont été motivés par l’implication forte des deux personnes de terrain « expertes » associées à la démarche (la responsable du secteur adultes d’un centre social et la directrice adjointe d’un CCAS) ; le déploiement sur la ville de Saint-Étienne s’opérera en partenariat avec l’ASV de la ville.

 

Résultats

  • Accueil très favorable des participants aux formations IREPS/CPAM : forte sensibilisation et formation des professionnels de proximité à l’accès aux droits.
  • Moins de participants que prévu aux formations IREPS/CPAM.
  • Mise en réseau d’acteurs institutionnels et de terrain.
  • Des supports de communication conçus, en cours de déploiement auprès d’habitants.

 

Perspectives pour ce projet

  • Un déploiement des trois outils de communication sur trois sites de l’agglomération, dont la ville-centre (partenariat avec l’ASV de Saint-Étienne).
  • Une observation réalisée par une sociologue (accompagnée par la Cité du design) pour définir quels sont les impacts des supports de communication imaginés et suivre les usagers qui franchiront le pas d’accéder aux droits type CMU.
  • Un recrutement de médiateurs santé (1,5 ETP), pilotés par la mutualité de la Loire, coordonnés par la permanence d’accès aux soins de santé (PASS) du CHU de Saint-Étienne, pour accompagner l’accès au droit et notamment le déploiement des supports de communication. Ces postes expérimentaux sont financièrement soutenus par l’ARS, la DDCS, la communauté d’agglomération et la ville centre. 
  • Appui sur les futurs conseils citoyens comme espace de discussion à partir des supports de communication.

 

Perspectives sur la thématique de l’accès aux droits

  • Inscription de l’amélioration de l’accès aux droits et aux soins parmi les objectifs stratégiques du contrat de ville 2015-2020 : « Créer des synergies et outils innovants pour faciliter l’accès aux droits et l’accompagnement vers le soin en lien avec les populations ».
  • Appui sur l’agence d’urbanisme pour produire tous les 2-3 ans, une note santé à partir de quelques indicateurs.
  • Expérimentations de la CPAM pour favoriser l’accès aux droits, dans le cadre du Plan local d’accompagnement du non-recours, des incompréhensions, des ruptures (PLANIR).

 

Bonnes pratiques

  • Complémentarité entre formations des structures de proximité et communication directe à destination du public visé par le projet.
  • Connaissance des ressources des acteurs du territoire.
  • Méthode collaborative et expérimentale du design thinking.
  • Partenariat original avec un acteur fort du territoire : la Cité du design.

 

Paroles d’acteurs

« Il faut espérer que ces outils et cette démarche puissent être essaimés par la suite sur d’autres territoires en vue de favoriser l’accès au droit à partir de messages moins stigmatisants. » Anne Fouvet, coordonnatrice ASV

 

Ressources bibliographiques

Bibliographie sur le non-recours aux droits

 

Outils créés

Présentation du projet issu du partenariat avec la Cité du design

 

Contacts

Anne FOUVET, Cheffe de projet politique de la ville et coordonnatrice ASV : a.fouvet[at]agglo-st-etienne.fr, 04.69.66.08.19

Encadrants du projet : 

Mohamed BOUSSOUAR, Directeur des programmes IREPS Rhône-Alpes, mohamed.boussouar[at]education-sante-ra.org 

Blandine FAVIER, chargée de projets Cité du design, blandine.favier[at]citedudesign.com

 

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