Fiche-identité de l’action

Porteur du projet : CLS de Gennevilliers

Statut du projet : en cours

Échelle : Ville de Gennevilliers

Thématiques traitées : santé des femmes, mi-vie, charge mentale, ménopause, recours aux soins, littératie en santé

Public visé : ensemble des femmes de 40-64 ans de la commune, soit 7 976 femmes (données INSEE 2020)

Partenaires opérationnels : Observatoire local de santé et social, Contrat local de santé (CLS), Atelier santé ville (ASV), service Système d’information géographique (SIG), structures associatives locales, université Paris-Est Créteil (UPEC)

Partenaires financiers : Agence régionale de santé Ile-de-France (Projet de lutte contre les inégalités sociales de santé), Ville de Genevilliers

Gouvernance : CLS de Gennevilliers

Contexte et problématiques

Mise en œuvre d’un diagnostic de santé des femmes de 40 à 64 ans dans le cadre de l’actuel Contrat local de santé (CLS) de Gennevilliers et en partenariat avec l’université Paris-Est Créteil

La démarche de diagnostic présentée ci-dessous s’inscrit dans le cadre du montage d’un Observatoire local de santé (OLS) du CLS de Gennevilliers dont la coordination se situe au sein de la Direction municipale de la santé et de la prévention.

La Direction municipale de la santé et de la prévention de Gennevilliers comprend une partie relative à la prévention et la promotion de la santé et une partie relative à l’offre de soin :

  • Deux services de protection maternelle et infantile (PMI) municipales,
  • Un espace santé jeunes,
  • Un centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD),
  • Un centre de vaccination,
  • Un centre de santé sexuelle,
  • Le service prévention et promotion de la santé qui assure le déploiement de programmes de prévention – promotion de la santé auprès de la population avec un Contrat local de santé, un Atelier santé ville (ASV), un Conseil local de santé mentale (CLSM),
  • Enfin, la mise en place d’un observatoire local de santé en lien avec le pôle développement social au sein de la direction solidarité autonomie – Centre communal d’action sociale.

Le renouvellement du Contrat local de santé (CLS) 2021-2026, une occasion de s’intéresser davantage à la santé des femmes gennevilloises

Lors du renouvellement du Contrat local de santé 2021-2026, un diagnostic détaillé des conditions de vie et états de santé de la population a été dressé. Celui-ci a fait émerger une priorité : la santé des femmes.

Dans le diagnostic, il est en effet apparu que les données et constats sur les caractéristiques socio-économiques ainsi que sur l’état de santé des femmes gennevilloises illustrent une fragilité et une vulnérabilité importante de cette population. Les femmes gennevilloises ont une espérance de vie plus faible qu’en Ile-de-France.

En termes de santé et de prévention, il est observé une représentation importante du surpoids et de l’obésité ainsi qu’un manque d’activité physique chez les femmes gennevilloises. Les indices comparatifs de mortalité (ICM) de Gennevilliers sont significativement supérieurs aux indices départementaux et régionaux avec un ICM de 138 contre 107,3 dans les Hauts-de-Seine (HDS) et 96,1 en Ile-de-France (IDF) (monographie ARS 2019, données 2013). Enfin, à Gennevilliers, 30% des femmes restent à l’écart de tout dépistage du cancer du sein.

L’émergence de la démarche : une volonté d’élargir les thématiques au-delà de la santé sexuelle et de la lutte contre les violences faites aux femmes

La ville déploie depuis de nombreuses années des actions de prévention et promotion de la santé à destination des femmes. Il s’agit notamment d’actions de lutte contre les violences faites aux femmes, de promotion de la santé sexuelle ou d’actions autour de la périnatalité et de la parentalité. Or, peu de données et d’actions ne relevant pas de ces thématiques récurrentes (violence, périnatalité, santé sexuelle) ciblent la santé des femmes de façon plus générale. Le renouvellement du CLS a donc constitué une opportunité pour les acteur·trices du territoire pour dresser un état des lieux de la santé des femmes de façon plus transversale et ce, avec l’appui d’un partenaire universitaire. Cette démarche partenariale a en effet permis d’identifier à la fois une tranche d’âge originale (femmes de 40 à 65 ans, appelée la « génération pivot » ou la « mi-vie » dans certaines sources scientifiques en médecine/santé publique) autant que des enjeux et spécificités à la santé des femmes à Gennevilliers grâce à un partenariat avec l’université Paris-Est Créteil (UPEC).

La problématique de la génération pivot : repérer comme un enjeu majeur à éclairer via le diagnostic

Le partenariat ville-université s’est matérialisé par un stage d’une étudiante en géographie de la santé de l’UPEC au sein de l’Observatoire local de santé de Gennevilliers. Ce stage visait à élaborer un diagnostic local de la santé des femmes. Il a été axé sur la santé des femmes de 40-64 ans et visait à répondre aux interrogations suivantes : Comment peut-on caractériser l’état de santé des femmes de Gennevilliers de 40 à 64 ans et ses déterminants ? Quelles différences peut-on identifier entre les quartiers (notamment entre QPV et non QPV) en matière de santé de cette population et ses déterminants ? Quels sont les impacts de leur « rôle pivot » dans la société sur leur santé, et sont-ils différents selon les quartiers et les aménités présentes ?

Objectifs de l’action

Produire un diagnostic détaillé de la santé des femmes de 40-64 ans à Gennevilliers, population sous étudiée d’un point de vue recherche et d’un point de vue opérationnel.

Description
  • La mise en œuvre d’une revue de la littérature permettant de cibler la problématique de la génération pivot

Une revue de la littérature a été réalisée afin de définir la population cible, puis d’en identifier les enjeux phares pour la prévention et la promotion de la santé. Ce travail a permis de mettre en valeur que la santé des femmes de 40 à 64 ans est un enjeu phare de santé publique. Cette tranche d’âge, parfois appelé la « mi-vie », ou « génération pivot », est apparue comme pertinente en matière de prévention, mais aussi parce qu’elle constitue une zone d’ombre dans l’action publique et la promotion de la santé. En effet, d’après Santé publique France, cette tranche d’âge est caractérisée par des indicateurs de santé préoccupants, pouvant conduire au développement de maladies chroniques plus tard. Cela est particulièrement vrai pour les personnes avec un faible niveau socio-économique, en lien avec les inégalités sociales et territoriales de santé[1]. La prévention et la promotion de la santé sont pourtant des plus pertinentes à cet âge. Bien que les actions de prévention et de promotion de la santé au moment de la retraite soient importantes, des travaux soulignent qu’elles arrivent peut-être trop tard. Enfin, les femmes de cette tranche d’âge appartiennent bien souvent à ce que l’on nomme la « génération-pivot » et cette génération de femmes peut à la fois être en charge leurs ascendant·es viellissant·es de plus en plus dépendant·es, et de leurs descendant·es ou enfants à charge, parfois simultanément. L’importance de leur investissement dans ce souci des autres, le care, peut en effet constituer un déterminant important de leur propre santé, alors même qu’il est à ce jour peu pris en compte dans les travaux scientifiques et/ou actions de terrain. Dans le Projet régional de santé (PRS) d’Ile-de-France, par exemple, cette population n’est pas ciblée en tant que tranche d’âge spécifique et risque donc d’être peu considérée et/ou associée à d’autres thématiques non spécifiques.

Dès lors, il existe un enjeu fort à mieux connaitre les états de santé, la santé perçue et les conditions de vie de cette population.

  • Un questionnaire comme outil de connaissance pour le diagnostic

L’élaboration de la grille du questionnaire s’est appuyée sur une recension de grilles déjà mobilisées dans la littérature, et ce en vue de constituer un outil de récolte de données à même d’accompagner l’action.

L’objectif a été de réaliser et d’administrer un questionnaire sur la ville entière sans avoir une attention particulière à certains quartiers, au moins dans un premier temps. Le questionnaire a été administré en face-à-face dans la rue, mais aussi via des structures (municipales et associatives), et parfois de manière dématérialisée (questionnaire en ligne diffusé via des mailing listes internes à la ville et les réseaux sociaux).

Les partenaires du projet soulignent que le fait que la personne administrant le questionnaire soit stagiaire a très certainement favorisé ce travail de terrain riche mais chronophage. Or, celui-ci n’aurait pu être mené à bien sans les interconnaissances et liens de confiances existant entre les acteur·trices de la ville (partenariats riches et anciens entre le service prévention et promotion de la santé et les autres services de la ville, maisons de quartier, associations locales).

  • Prendre en compte la charge mentale dans le questionnaire

Afin d’évaluer la charge mentale, il a fallu réfléchir sur la manière de la mesurer dans le questionnaire. Elle a été définie comme « l’ensemble des activités quotidiennes essentielles à la vie domestique d’une famille. Cela concerne des capacités mentales de gestion et d’organisation mais aussi de prévision, de mémorisation, de coordination, de réponse aux imprévus »[2].

Résultats de l’action

Voici certains des résultats forts du questionnaire permettant de nourrir le diagnostic local de santé des femmes de 40 à 64 ans à Gennevilliers :

  • Les femmes qui ont répondu au questionnaire ont un état de santé perçu moins bon que la moyenne à l’échelle française ou même dans les QPV. En effet, à Gennevilliers elles ne sont que 45 % à déclarer être en bonne ou très bonne santé.
  • Le questionnaire a aussi apporté des données fines en matière de pratiques sportives de ces femmes : elles sont 61 sur 103 à déclarer faire du sport (les activités les plus citées sont : marche, vélo et natation).
  • Le diagnostic effectué éclaire aussi la question de l’accès aux soins, du recours et non-recours aux soins de façon intéressante. Il apparait en effet que les causes financières ne sont pas les premières causes du non-recours aux soins des femmes de 40-65 ans interrogées. En effet, cette barrière d’accès aux soins est présente, mais se situe après le fait de « ne pas avoir le temps, de devoir s’occuper de quelqu’un d’autre et donc d’être une aidante», souligne la coordinatrice du CLS de Gennevilliers, rappelant ainsi les liens entre santé, charge mentale et le rôle pivot de ces femmes.
  • Un axe fort des résultats de ce travail porte sur l’évaluation de la charge mentale telle que définie précédemment. Il apparait qu’à Gennevilliers, 39 % des femmes interrogées répondent oui régulièrement ou très régulièrement lorsqu’on leur demande « Est-ce qu’il vous arrive de vous sentir débordée par tout ce que vous devez faire, prévoir, gérer ? ». Si l’on s’intéresse au profil de ces femmes, on observe que 10 femmes seules avec enfant(s) sur 15 ont répondu régulièrement ou très régulièrement à cette question. Ce résultat montre à la fois l’ampleur de la charge mentale des femmes, mais aussi son caractère d’autant plus saillant pour certaines d’entre elles, ici des femmes seules en charge d’enfants (familles monoparentales).
  • Un « score de charge mentale » a aussi été créé dans le cadre de ce travail et permet d’évaluer l’ampleur de cette charge comme ses conséquences sur la santé des femmes. L’analyse de ce score nous montre qu’une grande majorité des femmes interrogées (80 %) est concernée par un risque de charge mentale moyen ou élevé. Les femmes en famille monoparentale sont proportionnellement moins représentées parmi celles ayant un risque faible ou très faible de charge mentale. Mis à part cette différenciation pour les femmes au sein de familles monoparentales, toutes les femmes sont concernées quel que soit leur âge, leur structure familiale ou leur type d’activité. Enfin, à Gennevilliers, parmi les femmes interrogées, elles sont 39 % à déclarer ne pas avoir le temps pour faire les choses qu’elles aiment, et plus de la moitié (58 %) à ne pas avoir le temps de prendre soin d’elles comme elles en ont envie.
  • Suite à l’analyse détaillée des réponses au questionnaire et des réflexions proposées par ce travail de recherche, des pistes d’actions immédiates ont été identifiées par le service prévention et promotion de la santé de la ville : la charge mentale, le recours/non recours aux soins de cette population.

 

Freins

Des freins relatifs à la mise en place du questionnaire : barrières liées à la population et au temps dédié

Des freins ont été rencontrés concernant la passation de questionnaire : d’une part, les femmes de 40-65 ans constituent une population difficile à rencontrer car en grand partie en activité, peu présentes dans les structure municipales ou associatives, et disposant souvent de peu de temps lorsqu’elles sont abordées dans l’espace public (cf. enjeux méthodologiques de récolte de la parole de populations non captives contrairement à des publics scolaires par exemple).

La durée du stage (5 mois) a pu limiter certains approfondissements (ex : entretiens qualitatifs avec des femmes et rencontres avec davantage d’acteur·trices) et la réalisation d’une étude/analyse des villes limitrophes.

Une difficulté à obtenir des données, notamment quantitatives, sur la population cible

Il existe peu de littérature ciblant spécifiquement les femmes de 40-65 ans et les enjeux de santé liés. Le diagnostic réalisé à Gennevilliers est donc innovant, mais possède peu de travaux avec lesquels comparer ses résultats et les méthodes mobilisées.

Leviers

Une articulation égalité femmes-hommes, politique de la ville et service prévention – santé

La mission égalité (femmes – hommes) et la politique de la ville sont intégrées dans le service de la citoyenneté et de la cohésion sociale, ce qui a été un facteur facilitant, permettant un dialogue entre les différentes missions. Le lien du service santé avec la mission égalité femmes – hommes du service de la cohésion sociale s’est établi depuis quelques temps au sein de la ville de Gennevilliers : « Lors du travail autour du CLS, nous avons coconstruit la fiche avec les deux protagonistes cités (chargée de mission égalité femmes – hommes et coordinatrice lutte contre les violences faites aux femmes [LVFF]) et tenté d’inclure des enjeux communs. Ainsi, la fiche initiale qui était de « réaliser un diagnostic de la santé de la femmes » a intégré les enjeux de « réaliser une photographie locale et globale des situations de violences conjugales et intrafamiliales sur la ville ». Depuis, le département a développé un Observatoire des violences sur le 92. Ce qui facilitera la suite et la mise en lien des divers diagnostics. » (Coordinatrice CLS de la ville de Gennevilliers)

Également, une des fiches du CLS (25) « prévenir les violences faîtes aux femmes » a été la feuille de route de la coordinatrice LVFF à la suite de la signature du CLS en 2022.

Perspectives

– Intégration de cette thématique, et des résultats du diagnostic, dans l’OLS ;

– Consolider l’approche qualitative par des entretiens semi-directifs auprès de femmes de 40-65 ans, et ce particulièrement au sein d’un QPV de la ville ;

– Travailler davantage la question de la littératie en santé ; la question du renoncement aux soins et de ses raisons serait aussi à creuser.

Ces deux derniers objectifs sont au cœur d’un second stage, en cours (février à juin 2025).

Conseil du porteur pour reproduire ce projet

Le travail associant la ville et l’université est essentiel ici, notamment dans la complémentarité « géographie de la santé » avec la « promotion de la santé ».

Repères sur le territoire

Territoire : Ville de Gennevilliers

Contrat de ville : Oui

Démarche territoriale de santé : ASV, CLSM, CLS

Contact référent·es

Noms et prénoms : Isaure Lapierre, Emmanuelle Faure

Fonctions : Respectivement responsable du service prévention santé et coordinatrice CLS et maitresse de conférences en géographie de la santé (UPEC – Lab’URBA)

Structures : Observatoire Local de santé de la Ville de Gennevilliers

Université Paris-Est-Créteil / Master territoires, villes et santé / Emmanuelle Faure (maitresse de conférences en géographie de la santé – Lab’URBA – Université Paris-Est Créteil)

Mails : Isaure.lapierre@ville-gennevilliers.fr ; Emmanuelle.faure@u-pec.fr

Pour aller plus loin

Faure, Emmanuelle et Stéphane Rican, 2018. « Genre, inégalités et promotion de la santé à l’échelle locale. L’exemple gennevillois », Santé Publique Vol. 30 (5): 617‑21. https://doi.org/10.3917/spub.186.0617.

Mémoire, « La santé des femmes de 40 à 64 ans à Gennevilliers : des disparités selon les quartiers et l’importance du rôle pivot », Alice El Khebir Bergantini, accessible ici.

 

Complété le 09/12/2024

[1] La Santé en action, Mars 2023, n° 463 Prévention et promotion de la santé chez les 40-55 ans : quels enjeux pour la pratique ?

https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-sante-en-action-mars-2023-n-463-prevention-et-promotion-de-la-sante-chez-les-40-55-ans-quels-enjeux-pour-la-pratique

[2] Monique Haicault. La charge mentale. Histoire d’une notion charnière (1976-2020). 2020.

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