Fiche-identité de l’action

Porteur du projet : ARACT Hauts-de-France

Statut du projet : Réalisé

Échelle : Douaisis Agglo

Thématiques traitées : Genre et conditions de travail dans le milieu de l’agriculture, santé des femmes, agriculture, travail, santé au travail

Public visé : Femmes dans le milieu de l’agriculture

Partenaires opérationnels :

  • Douaisis Agglo ;
  • Les Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM) Hauts-de-France ;
  • Bio Hauts-de-France ;
  • Terre de Liens ;
  • Chambre d’agriculture ;
  • Service prévention de la Mutualité sociale agricole (MSA) ;
  • Terre Intérim ;
  • Confédération paysanne ;
  • Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

Les Initiatives paysannes, l’association de femmes en agriculture ainsi que le Corif formation en égalité professionnelle Hauts-de-France ont également été sollicité·es.

Partenaires financiers : Douaisis Agglo

Contexte et problématiques de l’action

Présentation de la structure Aract

 L’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) Hauts-de-France est partenaire, depuis 2019, du projet AGRICAD, porté par la communauté d’agglomération du Douaisis, afin de soutenir l’agriculture locale. Les missions de l’Aract sont la création d’outils (sur la qualité de vie au travail par exemple) qui sont mis à disposition en parallèle de la mise en place de formations.

Toute entreprise/association/collectivité/service public peut solliciter l’Aract de sa région ou l’Agence nationale des conditions de travail (ANACT) au niveau national.

Une lente reconnaissance du travail des femmes en agriculture

Il aura fallu attendre 1961 pour que le mot « agricultrice » fasse son apparition dans le Larousse. Pourtant, comme le souligne Xavier Hollandts, économiste spécialiste des question agricoles et professeur à Kedge Business School, les femmes ont toujours été présentes mais en tant que conjointes. Elles ont donc été longtemps dans une « zone grise ». Aujourd’hui, il est important de souligner que les agricultrices bénéficient de trois statuts possibles : salariée agricole, collaboratrice d’exploitation, cheffe d’exploitation ou d’entreprise agricole. Selon les chiffres de la Mutualité sociale agricole (MSA), un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole sur quatre en France est en fait une cheffe, une part qui reste stable depuis dix ans[1].

L’émergence de l’étude

Le territoire de Douaisis Agglo est composé de 35 communes et compte environ 148 000 habitants. 188 exploitations agricoles sont comptabilisées. Les productions dominantes sont les grandes cultures, la polyculture, l’élevage et enfin le maraîchage. Les femmes représentent environ 17 % des chef·fes d’exploitation.

Au regard du manque de visibilité sur leurs conditions de travail, il a été décidé de faire une étude pour en saisir les différents enjeux.

Cette étude s’inscrit dans un ensemble d’actions mises en œuvre par Douaisis Agglo. Dans l’enquête menée sur la santé des agriculteurs en 2022 par l’Aract, le taux de réponse féminin était très important, ce qui a conduit à s’interroger particulièrement sur la place des femmes dans le milieu de l’agriculture.

Les femmes en agriculture en Hauts-de-France

En Hauts-de-France, les femmes en agriculture représentent [2]:

> 4 100 cheffes d’exploitation, soit 17 % et 3 100 co-exploitantes, soit 44 %, donc un statut plus fréquent ;

> 31 % de la main d’œuvre agricole permanente (hors saisonniers) ;

> Parmi les nouveaux installé·es de moins de 40 ans, la part des femmes est de 30 %.

Les hypothèses posées

  • Le travail des femmes en agriculture est peu visible et donc les risques le sont aussi (travail salarié ou non) ;
  • Les femmes en agriculture travaillent majoritairement sur des activités annexes aux activités agricoles (administratif, vente, transformation), autant d’activités sous-évaluées en termes de risques ;
  • Il existe une grande porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle, ce qui expose les femmes de ce milieu à d’importantes charges de travail physiques mais aussi mentales ;
  • Les conjointes, travaillant ou non sur l’exploitation, jouent un rôle prépondérant dans la stratégie de l’exploitation, elles influencent donc l’organisation du travail ;
  • Les femmes ne travaillent pas seules mais s’inscrivent dans des interactions avec l’extérieur (clientèle, autres travailleurs, fournisseurs…).

 

Contexte de l’étude : l’appel à projets AGRICAD

Depuis 2017, avec l’attribution du label « Projet alimentaire territorial »[3], trois politiques publiques et locales ont été déclinées.

  • ALIMCAD : centrée sur la promotion d’une alimentation saine et accessible à tous ;
  • BIOCAD : centrée sur le développement de l’agriculture biologique ;
  • AGRICAD : centrée sur les agriculteurs et visant à favoriser les circuits courts.

Le projet AGRICAD a permis de déployer plusieurs axes dont l’un s’inscrit dans l’objectif de favoriser le bien-être des agricultrices. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’étude qui a été menée auprès des femmes dans l’agriculture.

Objectifs de l’action

Identifier les difficultés rencontrées par les femmes dans l’agriculture sur le territoire, afin de pouvoir identifier des leviers d’action et d’améliorer les conditions de travail des femmes mais aussi des autres personnes exerçant dans ce milieu.

Description de l’étude

Étapes

Les principales étapes de l’étude sont les suivantes :

  • Recherche documentaire sur les thématiques de genre et de transition écologique ;
  • Entretiens avec les institutionnels pour avoir un avis global et des contacts de femmes dans l’agriculture ;
  • Recherche des coordonnées des femmes ;
  • Prises de contact pour les rendez-vous ; entretiens semi-directifs ou groupes de travail collectifs ;
  • Le panel des répondantes est constitué de 24 personnes dont 22 femmes et deux hommes ;
  • Synthèse et restitution aux membres du COPIL, syndicats et personnes qui ont répondu à l’enquête.

Calendrier

En raison d’un changement d’emploi de la personne en charge de cette action (qui avait notamment élaboré l’avant- projet), l’étude sur le terrain n’a pu être mise en place qu’à partir de janvier 2024. Elle s’est terminée en juin 2024.

Le recrutement des participantes à l’enquête : des stratégies multiples

Le recrutement des participantes à l’enquête a constitué un point central. Il a été difficile d’accéder aux coordonnées des agricultrices pour des enjeux de règlement général sur la protection des données (RGPD), notamment. Afin de contourner ces difficultés, plusieurs stratégies ont été utilisées : l’aller-vers, en visitant directement les fermes, l’effet « boule de neige », l’identification de personnes « influentes » dans le réseau de l’agriculture et de personnes ressources, ainsi que les collaborations partenariales. Il est important de noter que ce travail a nécessité du temps.

Une méthode de recueil d’informations qualitatives

Le guide d’entretien a été construit selon quatre thématiques :

  • L’organisation de travail
  • Les impacts du travail sur la santé
  • L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle
  • Les trajectoires professionnelles

Chaque axe a été analysé ensuite sous le prisme des contraintes et des ressources vécues par la personne interrogée, en référence au modèle d’analyse C2R (Contraintes – Ressources – Régulation) de l’Anact.

Des collaborations partenariales

Des collaborations partenariales ont été mises en place dès le début du projet, permettant d’avoir une vision d’ensemble de la situation (MSA, Chambre d’agriculture, CIVAM, ARCADE, Bio HDF, Terre de Liens…). Ceci a permis d’accéder au public cible et de repérer des potentielles participantes pour l’action.

Profil des répondantes

Les répondant.es étaient des chef·fes d’exploitation ou associé·es (37,5 %), des salariés agricoles conjointes (12,5%), des salariées agricoles (33,3%) et des retraitées (16,7%).

Résultats de l’étude

L’organisation du travail : entre charge importante et autonomie

Les femmes se tournent davantage vers des activités annexes à l’agriculture, telles que la transformation ou la vente. Un manque de main d’œuvre important est soulevé. Une difficulté face à la numérisation croissante des démarches administratives est également pointée.

L’agriculture : des risques professionnels pour la santé psychique mais des métiers qui ont du sens et de la valeur

Les risques identifiés sont principalement des risques physiques pour les femmes qui exercent en tant que salariées agricoles. Les gestes répétitifs, les positions adoptées (dos courbé), le port de charges sont les activités qui engendrent des douleurs physiques et qui, à terme, peuvent être responsables de troubles musculosquelettiques. La question du vécu des grossesses en agriculture a également été abordée. Les femmes ont certes aménagé leur temps de travail mais n’ont pas pour autant stoppé leur activité.

Les trajectoires professionnelles : peu de femmes sont formées au métier mais il existe toutefois des évolutions professionnelles

Pour la majorité des salariées agricoles, elles ont débuté dans ce domaine en tant que saisonnières. Elles ne disposent donc pas de formation au préalable et sont restées dans ce secteur d’activité par choix, car elles apprécient le travail et aiment être en extérieur.

Freins

La difficulté d’identifier le public cible et d’accéder à des coordonnées valides 

Au début de l’étude, des difficultés d’accès à des coordonnées valides d’agriculteur·trices ont été identifiées en raison, notamment, de la RGPD et du fait que peu de femmes agricultrices soient recensées. Comme le souligne la chargée de mission : « Leur nom disparait derrière le nom de leur mari ou de celui de la ferme dans certaines exploitations ».

Certaines difficultés spécifiques ont été rencontrées dans la constitution d’un panel représentatif des exploitations agricoles présentes sur le territoire. Une majorité des répondant·es sont issues du maraîchage alors qu’il s’agit d’une moindre partie de la population agricole active du territoire.

Beaucoup de temps a été alloué à rechercher des créneaux de rendez-vous afin de réaliser les entretiens. L’effet « boule de neige » a peu fonctionné car les femmes avaient peu de contacts à donner, témoignant, peut-être, d’un certain isolement social ou bien d’une méfiance envers l’étude.

Le manque de temps ou le sarcasme de certains agriculteurs rencontrés

Dans d’autres cas, les agriculteur·trices n’ont pas répondu aux sollicitations en raison d’un manque de disponibilité. Enfin, le sarcasme constaté de certains agriculteurs estimant que les conditions de travail des femmes dans le milieu de l’agriculture n’étaient pas un sujet a parfois été identifié.

Leviers

Une étude à quatre mains

L’appui d’une stagiaire du diplôme universitaire (DU) « sur les risques psychosociaux » avec une implication dans le milieu agricole.

L’imbrication de l’étude avec d’autres activités de l’Anact ont permis d’alimenter les différents champs d’action

L’implication de la chargée de mission en charge de l’étude dans un colloque « Transitions écologique et genre : quelles transformations du travail ? », organisé par l’Université Lumière Lyon 2 et l’Anact. La recherche d’intervenant·es pour ces thématiques a permis d’identifier des acteur·trices qui travaillent dans ce domaine.

Perspectives
  • Des pistes de réflexions sont identifiées pour chaque axe dans l’étude ;
  • Poursuite des actions envisagées : journées santé. Prévention des professionnelles du milieu agricole ;
  • Retour d’expérience après la formation Risques psychosociaux (RPS) des techniciens des structures qui accompagnent les exploitations agricoles ;
  • L’Aract HDF s’empare de thématiques concernant la santé des femmes, comme l’endométriose, et les enjeux de l’ergonomie des blouses de santé des aides-soignantes, par exemple.
Conseils du porteur pour reproduire ce projet
  • Privilégier l’effet boule de neige pour avoir des contacts d’autres femmes dans la même situation ;
  • Identifier les personnes ressources, influentes sur le territoire et susceptibles de mobiliser les participantes potentielles en amont du projet ;
  • Associer les bénéficiaires dès la définition des hypothèses de l’étude.
Repères sur le territoire

Territoire : Douaisis Agglo

Contrat de ville : Contrat de ville Douaisis Agglo

Démarche territoriale de santé : Plan alimentaire territorial (PAT) de Douaisis Agglo

Contact référente

Nom : WAGNER Christèle

Fonction : Chargée de mission

Structure : ARACT HDF

Mail : c.wagner@anact.fr

Ressources pour aller plus loin
  • Article : « Les femmes, incontournables en 2020 : dans le monde agricole mais encore en manque de reconnaissance » Valérie Xandry – Challenges 2021 – Source MSA
  • Agriculture paysanne : (2020) ; Enquête Femmes paysannes : s’installer en agriculture ; adresse du site : https://www.agriculturepaysanne.org/Enquete-Femmes-paysannes-s-installeren- agriculture-41
  • Guérillot A. ; (2021) Le métier d’agricultrice bio, un nouveau rapport au travail ? ; Travail Genre et Société, n°45

[1] Pour accéder aux données :  https://statistiques.msa.fr/publication/la-population-feminine-en-agriculture-en-2019-infostat/

[2] Les femmes dans l’agriculture en HDF, ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaires, d’après MSA – Installations 2020, Agreste – Recensement agricole 2020

[3] Pour accéder au site :  https://www.douaisis-agglo.com/environnement/agriculture-et-alimentation/programme-alimcad

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